Face to Face[FRA]

  • Mode

Interview

Le 27.02.2020 par Juliette Mantelet

Après vous avoir présenté Rosamen Bado, Rei Paris, Allrich ou encore Zalivako, il était temps que nous vous parlions enfin plus en profondeur de la plateforme innovante qui déniche depuis 2015 ces marques éthiques et les personnalités uniques qui se cachent derrière. Face to Face, bien sûr. On a rencontré sa fondatrice, Marianna Szeib-Simon, dans un petit café du 10ème, juste avant pour nous de filer à la soirée des 7 ans de Tafmag. Et avant qu’elle ne doive « switcher en mode maman » et partir chercher son fils à l’école. Marianna est une maman entrepreneuse ultra dynamique. Qui n’arrête jamais et qui est sur tous les fronts à la fois. Un petit créneau difficile à trouver donc, mais nécessaire. Car pour ce genre d’échanges, on se doutait qu’il valait mieux se voir en vrai, en face à face justement. Et on avait bien raison, car notre rencontre on ne l’oubliera pas de sitôt. On a parlé plus d’une heure sans vraiment voir le temps passer. Tellement prises dans notre discussion sur le futur de la mode qu’on en a même oublié de commander à boire. Marianna fait partie de ces personnalités solaires et passionnées qui nous marquent tout de suite. Et qui nous inspirent toujours. Elle est l’exemple parfait de ces femmes qui se bougent pour faire changer les choses et qui gardent espoir. Sans culpabiliser les autres. Toujours avec le sourire. Sur Tafmag, on donne un espace aux artistes émergents. Marianna fait un peu de même avec Face to Face pour les créateurs indépendants et responsables qui repensent la création et la mode. Elle leur offre un coup de pouce pour se lancer, un soutien et surtout la force d’y croire. Leur donne de la visibilité. Face to Face c’est une vraie communauté, basée sur la rencontre, l’humain, le vrai. Tout ce qui nous plaît, nous parle et nous anime. Explications avec Marianna.

« Qu’est-ce que j’ai envie de transmettre à mon fils ? »

Avant de lancer Face to Face, Marianna a longtemps travaillé dans de grands groupes, en marketing développement dans le parfum. Son job occupait alors 99 % de son temps. Ce qui lui a valu d’avoir vite des problèmes de thyroïde, lié à trop de stress, trop de boulot. Et puis, lors de l’anniversaire de son père, dans sa Pologne natale, elle a eu un déclic en entendant le discours de ce dernier. Qui a évoqué ses passions, ses actions de charité, ses amitiés. Bref, tout le positif de sa vie, mais jamais son travail. Marianna, qui vivait littéralement à l’époque pour son boulot s’est mis alors à réfléchir pour rééquilibrer sa vie. Et surtout faire ce qu’elle aime. Une fois devenue maman, elle s’est aussi posé les questions suivantes : « Qu’est-ce que j’ai envie de transmettre à mon fils ? », « De quoi serai-je fière ? ». En créant Face to Face, elle y a répondu en développant un projet qui reflète entièrement ses valeurs.

DE BELLES HISTOIRES

L’idée au cœur de la plateforme Face to Face, ce sont les histoires. Pendant toute sa carrière dans le marketing développement, Marianna a dû inventer de nouvelles histoires pour vendre. Alors même qu’elle était entourée de connaissances qui lançaient leurs marques avec de vraies histoires derrière. C’est d’abord à ces récits et ces parcours que Marianna s’est intéressée, voulant mettre en lumière ces histoires de vie qui la touchait en tant que consommatrice. Elle a découvert petit à petit toute cette nouvelle vague de créateurs qui quittent le monde des grandes marques pour « faire différemment après y avoir fait leurs armes ». Ces femmes de 40 ans qui se réorientent après un burn out, une maternité, une maladie. Tout naturellement, elle s’est mise à accompagner ces créateurs pour les aider à « trouver une place dans le marché », des lieux de ventes… Les étapes les plus difficiles quand on est une jeune marque. Parce qu’avoir un site et une communauté Instagram, ça ne suffit plus. Face to Face c’est le prolongement de cette démarche.

HUMAN FACE OF FASHION 

Face to Face est née en 2015, autour d’un pop-up dans une galerie d’art du Marais. Marianna a décomposé les frais d’accès à l’événement par le nombre de créateurs et a développé ainsi une vraie capsule autour de ces marques. C’est cette idée de la collectivité qui porte le projet. « Together is stronger », rappelle Marianna avec le sourire. Elle est d’ailleurs accompagnée dans cette aventure par son associée, Manon Posty Sworowski. Face to Face n’est pas juste une Marketplace tient à rappeler Marianna, « C’est un vrai réseau de femmes et de soutien ». « C’est répondre ensemble à des questions comme : comment on se finance ? comment on fait dans les périodes creuses où l’on ne vend rien ? ».

Aujourd’hui, la plateforme regroupe plus de 150 marques, et de nouvelles marques apparaissent tous les mois sur le site. Une preuve concrète que l’offre éthique existe bel et bien. Et qu’il y a du choix ! Marianna les a d’abord démarchées sur des salons professionnels et sur Instagram. Et puis, par une sorte de bouche à oreille, « la magie a opéré ». Une chaîne humaine altruiste où chacun est venu lui parler d’un autre projet, d’une nouvelle créatrice… Mais la sélection reste la clef de la plateforme. Et plusieurs critères rentrent en jeu pour garantir aux clients une vraie expérience d’achat. On met tout ça au clair :

♦ D’abord le style. Marianna ne cherche pas à mettre en avant « des copies conformes de marques en moins cher ». Elle privilégie des labels qui ont « un territoire propre ». Pour que les clientes soient sûres de ne faire aucune faute de style en choisissant une pièce sur Face to Face. Elle défend un vrai parti pris créatif.

♦ Ensuite l’histoire, bien sûr. Marianna rencontre systématiquement tous les créateurs en face à face. Pour « comprendre l’engagement de vie ». Elle tient à soutenir des projets qui sont de vraies reconversions, le courage et l’audace. Elle veut comprendre comment les pièces sont faites. Mettre en valeur le fait main. Les « designer stories » sur le site (des photos et une interview), permettent aux clients de choisir l’engagement qui leur parle le plus. Chaque marque a le sien. L’une va reverser une partie de ses revenus à une association, l’autre va travailler avec des communautés de femmes dans des pays en difficulté… « On achète et on offre différemment quand on comprend vraiment le parcours et l’engagement », explique Marianna.

♦ Enfin, le prix. La transparence est totale pour permettre aux clients de bien comprendre le prix de chaque chose. Les créateurs produisent tous « de manière raisonnée », en petites quantités ou en précommandes. Ce qui a forcément un coût. L’idée c’est « de consommer moins mais mieux ».

Et pour les créateurs ? Dès qu’ils rejoignent la plateforme, ils se voient offrir « l’opportunité de faire un shooting professionnel » et une interview avec une journaliste. Le fruit de ça, c’est la « designer story », sur le site. Les créateurs sont ensuite inclus dans la newsletter qui part à « plusieurs milliers de contacts ». Ils participent aussi à des journées presse. Ça, c’est pour le côté visibilité. Pour la partie vente, chaque créateur a accès à un espace de vente digitale sur le site de Face to Face et peut aussi participer à des ventes éphémères, en partenariat avec des podcasts, des médias dans des lieux branchés comme des hôtels, des galeries… Face to Face est aussi partenaire de salons professionnels, comme Première Classe, qui se tiendra du 28 février au 2 mars, et dans lequel Face to Face sera présent pour la deuxième année consécutive avec ses créateurs. Paloma Germain et ses turbans, Zalivako et leurs vestes cocon, Piqante et sa slow fashion colorée… Bien sûr, les créateurs « pourraient faire tout ça en individuel » mais avec Face to Face explique Marianna, « les prix sont beaucoup plus doux et on fonctionne en collectivité ». Tout est facilité.

« On n’a pas besoin d’investir dans du 100 % éthique, on peut faire par petites touches ».                                                                                

L’èRE DU MIX & MATCH

Pendant notre discussion, on a été très impressionnée et inspirée par le discours de Marianna, toujours bienveillant et optimiste. Loin du discours moralisateur de certains qui pensent qu’en matière d’écologie, c’est tout ou rien. « Ce n’est pas vraiment notre truc de faire culpabiliser les autres » nous confie la fondatrice. Qui croit fermement que « le changement est aussi dans les petits gestes ». C’est pour cela qu’elle défend le « mix & match ». Marianna le reconnaît, aujourd’hui, très peu de clients sont 100 % éco-engagés. Et il est très difficile de l’être dans la mode où l’on commence seulement à prendre conscience que ce qu’on porte peut aussi être nocif pour notre corps. Mais pour elle, il y a quand même beaucoup d’éco-anxieux, qui veulent consommer mieux. Et qui vont faire ce qu’elle appelle du « mix & match » :  mixer les pièces éthiques et les pièces de grandes enseignes. Se faire plaisir une fois avec une belle pièce éthique ou avec une petite culotte bio, selon leur budget. D’où l’intérêt pour les marques de développer plusieurs catégories de produits et gammes de prix. Pour pouvoir coller à cette consommation en « petites touches ». Chez Face to Face, la notion d’accessibilité est essentielle et Marianna pousse les créateurs à développer aussi des pièces moins chères. À l’image d’Escrin, qui produit à la fois des kimonos 100 % soie, avec des teintures naturelles, assez chers, forcément, et des petits chouchous et headbands à moins de 50 €. Dans la même optique, sur le site de Face to Face, on peut consulter une sélection de pièces à moins de 50€. « Je pense que c’est l’avenir des marques », ajoute Marianna. Se diversifier pour que l’éthique puisse toucher un peu tout le monde, petit à petit, petites touches par petites touches.

« Dépenser de l’argent, c’est un moyen de dire en quoi on croit. »

Mais en tout cas, Marianna l’affirme, les choses commencent vraiment à changer. Il y a des clients pour l’éthique et il y en aura de plus en plus. C’est de toute façon au consommateur de révolutionner le système. « Dépenser de l’argent, c’est un moyen de dire en quoi on croit ». Les changements se font par la demande. À l’image des rayons bio des supermarchés qui ne font que s’élargir. C’est à nous, à chacun, d’exiger mieux, de chercher autre chose. Et à des plateformes comme Face to Face ou Tafmag de mettre en lumière ces projets. Quittons-nous sur la dernière initiative de la plateforme, un coup de génie et une vraie preuve positive que le changement, c’est maintenant. Une collaboration avec la marque &Other Stories qui « n’aurait jamais pu voir le jour il y a 3 ans » selon Marianna. Une marque pas vraiment green ou sustainable mais qui, avec une telle collaboration, va doucement vers le changement. Une collaboration qui permet de donner un gros coup de projecteur sur Face to Face et sur toutes les petites créatrices dénichées par Marianna. Pendant un mois, un pop-up & Other Stories x Face to Face a lieu dans une boutique parisienne de la marque où différentes créatrices présentent leur travail en direct, racontent leurs histoires et rencontrent une clientèle plus large, plus aisée. Qui vont ainsi découvrir une alternative éthique dans leur point de vente habituel. Ou quand les grands se nourrissent des initiatives des petits pour le bien commun et le changement.

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