Zalivako[FRA]

  • Mode

Interview

Le 20.02.2020 par Juliette Mantelet

Des vestes cocons entre caftan et kimono. Des couleurs éclatantes et des motifs explosifs. Un confort absolu et un style anti-conformiste. Une architecte fan du Bauhaus qui se lance dans la mode. Une histoire d’amour et un mariage au Maroc. Une rencontre avec les femmes berbères du Moyen-Atlas et leurs fabuleux tapis. Une naissance en été. Ibiza et ses oliviers. Lisez jusqu’au bout notre interview fleuve de Daria, fondatrice de Zalivako, marque éthique et solaire. Et voyagez sur ses mots peuplés de soleil, de couleurs chaudes, d’été et de douceur. Le vent du Maroc souffle sur Tafmag. Une riche découverte que l’on doit encore une fois à Face to Face, la plateforme des marques aux belles histoires. Le propos de Daria se rapproche de celui de Nathalie de Rosamen Bado. Comme Daria le dit si bien : « Rangeons ce tailleur noir et blanc, il est temps de briller. »

COUP DE FOUDRE à MARRAKECH

Daria dans son usine en Catalogne.

Daria, tu es architecte, comment en es-tu venue à fonder ta marque de mode ?

Quand j’ai visité Marrakech pour la première fois, j’ai été frappée par les couleurs utilisées par les femmes berbères pour tisser leurs tapis faits main appelés Boucherouite. Je les ai découverts dans cette beauté harmonieuse et splendide des intérieurs de Marrakech. Et de là, je me suis retrouvée au souk, à négocier avec les habitants pour obtenir leurs plus beaux tapis, dans l’idée de créer ma propre collection… Je suis littéralement tombée amoureuse d’un de ces tapis, dont je me suis inspirée pour créer mon premier Cocon Zalivako. Quand je l’ai porté, des amis sont venus me demander s’ils pouvaient avoir le même. C’est ainsi que l’idée de monter ma marque m’est venue et m’a fait complétement changer de carrière.

Et comment s’est opéré ce changement de vie, d’architecte à styliste, tu avais déjà des expériences dans la mode ?

J’ai toujours été passionnée par la mode, mais je n’ai jamais suivi les tendances. Ce fut en fait une transition assez difficile car je ne connaissais rien à l’écosystème de la mode. J’ai donc dû visiter le Portugal et passer d’une usine à l’autre pour enfin trouver celle qui conviendrait pour produire ma première collection. Aujourd’hui, j’ai trouvé le partenaire idéal en Catalogne. Mais il a fallu du temps et des essais avant de trouver le bon fournisseur pour tricoter mes créations tel que je les imaginais. Trouver des détaillants a également été l’une des parties les plus difficiles, car peu de magasins sont prêts à vous faire confiance en tant que jeune designer.

En quoi être architecte de formation influence ta marque ?

J’ai été influencée par le mouvement architectural radical du Bauhaus qui a suivi le constructivisme russe. Ces courants mettent l’accent sur le fonctionnalisme, c’est-à-dire l’utilisation de formes géométriques simples qui peuvent être reproduites facilement. L’idée au cœur de ces mouvements est que l’individu et l’environnement matériel doivent être libérés de tout ce qui n’est pas nécessaire. La relation entre les arts, l’artisanat, le design et le bâtiment doivent être ainsi repensée. Je veux apporter avec Zalivako une nouvelle vague de non conformisme rationnel dans la mode, où les modèles psychédéliques sont combinés avec des matériaux de haute qualité et un savoir-faire innovant. Cette trinité est au cœur de ma marque.

Quand et pourquoi t’es-tu rendue pour la première fois au Maroc ?

Mon mari, Alexandre, a une très grande famille et une partie de celle-ci a déménagé à Marrakech. Ils gèrent des boutiques-hôtels à La Palmeraie. Ils y passent donc beaucoup de temps. Alexandre et moi sommes allés pour la première fois ensemble à Marrakech en 2015, où il m’a fait découvrir sa merveilleuse famille. C’était ma première fois à Marrakech. Depuis, je suis tombé amoureuse de cette ville et nous nous y sommes même mariés l’année suivante. Là-bas, j’ai découvert ces incroyables paysages roses et ces couchers de soleil magiques qui ont été une immense source d’inspiration pour mes collections. J’essaie toujours d’intégrer les couleurs naturelles des lieux que j’aime dans mes créations. Cette influence se retrouve aussi dans les noms des Cocons.

« Cela m’a toujours bouleversé de voir ces femmes créer des œuvres d’art sans même y penser. »

Raconte-NOUS ta rencontre avec les femmes berbères.

Un jour, Alexandre nous a emmenés avec ma sœur faire une randonnée dans les villages du Moyen Atlas. Nous étions avec des habitants dont les familles vivent là-bas et ils nous ont accueillis pour partager le « whisky marocain » qui est leur thé à la menthe traditionnel avec de l’huile d’olive et du pain fait maison qu’ils ont fait cuire dans un four rempli de pierres qui le rendent croustillant et délicieux. Nous avons passé l’après-midi avec ces femmes très simples, qui recyclent chaque pièce de tissu qu’elles trouvent pour faire à la main ces beaux tapis boucherouites. Quand j’ai commencé à m’y intéresser, le prix d’un beau tapis était d’environ 50 euros, de nos jours il y en a qui se vendent pour plus de 4 000 euros à Marrakech. Cela m’a toujours bouleversé de voir ces femmes créer des œuvres d’art sans même y penser. Elles voient le monde dans ces motifs colorés, sont toujours souriantes malgré des moments difficiles et des conditions de vie difficiles.

« Un jour c’est sûr, je vivrai au bord de la mer dans un endroit où le soleil tape toute l’année. »

Les shootings de Zalivako sont toujours très solaires, d’où te vient cet amour des pays chauds ?

Je suis née pendant l’été, mi-juillet, je suppose que c’est une des raisons pour lesquelles je suis toujours attirée par le soleil. Un jour c’est sûr, je vivrai au bord de la mer dans un endroit où le soleil tape toute l’année.

Justement, la nouvelle collection s’intitule Ibiza, tu peux nous en dire quelques mots ?

Mon souhait est de faire voyager les gens à travers ma propre expérience de lieux mythiques. Chaque couleur que j’ai choisi a fait l’objet d’un long processus de réflexion pour transmettre au mieux ma vision d’Ibiza. Le blanc représente la couleur des « fincas » traditionnelles, le bleu et le turquoise représentent la présence continue de la mer et sa variation infinie de tons, l’ocre est l’incarnation de ce paysage typique d’Ibiza fait d’argile, et le pigment d’olive est le symbole de la végétation florissante de l’île, composée de pins, d’oliviers et de caroubiers.

Pourquoi avoir fait le choix de se consacrer uniquement à des vestes ?

Je voulais faire une pièce facile à porter, avec une coupe universelle qui puisse être portée dans n’importe quelle situation pour les femmes actives qui aiment être différentes et se faire remarquer. Quelque chose qu’elle saisit sans réfléchir et qui lui donne confiance. Inspiré des kimonos japonais, ce Cocon est une pièce forte qui définit votre personnalité. Vous n’avez qu’une seule chance de faire bonne impression. Comment le faire mieux qu’avec un Cocon coloré qui illumine la pièce dans laquelle vous entrez et vous démarque de la foule ?

En quoi Zalivako te ressemble et mêle à la fois Paris, la Russie, le Maroc ?

Lorsque nous avons commencé à chercher un nom de marque, je n’acceptais aucune proposition car je voulais vraiment que cette marque représente mon univers et ma façon de voir la vie. C’est pourquoi j’ai choisi mon nom de famille. Je voulais que cette pièce soit une sorte de déclaration, entre le kimono et le caftan. Deux termes qui impliquent des cérémonies de mariage ou des ornements royaux. Nous les femmes, que nous soyons parisiennes, russes ou marocaines, nous sommes des reines.

Tu dis vouloir « autonomiser » les femmes, c’est-à-dire ?

Il y a toujours une certaine conformité chez les femmes, qui portent un peu un uniforme. Elles sont habillées dans les mêmes tons, portent le même type de vêtements, chaussures, sacs selon le lieu où elles vivent. Ainsi, elles ont l’impression de faire partie d’un clan. Mais un tel comportement ne leur permet pas de s’émanciper réellement. Je veux que les femmes se sentent libres de porter ce qui les rend heureuses et qu’elles soient fières de montrer qui elles sont vraiment. Qu’elles soient libres de leur choix. Les normes de notre société sont très lourdes pour les femmes. Rangeons ce tailleur noir et blanc, il est temps de briller.

« Nous les femmes, que nous soyons parisiennes, russes ou marocaines, nous sommes des reines. »

Pourquoi utiliser ce terme de cocon ? Pourquoi les femmes ont-elles besoin d’un cocon ?

À n’importe quel âge, une femme a toujours envie de se sentir protégée. Moi compris. Dans un cocon, vous avez l’impression que rien ne peut vous arriver. Votre corps est recouvert de cette longue coquille qui vous protège de la foule. C’est un concept très naturel. La nature est clairement une source d’inspiration pour moi. La protection de la planète commence par nous et je crois vraiment que ce changement de conscience dont notre monde a cruellement besoin viendra par les femmes.

Justement, en quoi Zalivako est une marque éthique ?

Nous travaillons uniquement avec les meilleurs fils italiens que ce soit pour le coton, la laine ou le cachemire. Nous collaborons uniquement avec des fournisseurs respectueux de l’environnement pour tout ce que nous faisons, des étiquettes aux broderies. Et surtout, nous produisons tous nos tricots avec une petite usine familiale basée en Catalogne qui est située dans un vignoble où ils produisent également des vins naturels.

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