Feng Li[CHN]

  • Photographie & Cinéma

Chronique

Le 01.11.2018 par JULIETTE MANTELET

Photographe chinois né à Chengdu dans la province du Sichuan, Feng Li continue à y exercer son art au quotidien, que cela soit pour son travail officiel de fonctionnaire au département de la communication de la région ou pour alimenter son unique série personnelle, « White Night », la série d’une vie, sorte de Freak Show des marginaux et des créatures étranges qui surgissent quand vient la nuit.

The Feng Li Horror Picture Show 

La nuit asiatique inspire beaucoup les photographes. Nous vous présentions l’année dernière les nuits au néon, chinoises ou japonaises, de Marilyn Mugot et de Matthieu Bühler. Chez ces deux artistes la ville la nuit semblait vidée de ses habitants, enfin apaisée. Feng Li, lui, au contraire erre dans sa ville à la recherche de la faune humaine, une faune inquiétante et étrange pour constituer sa galerie des horreurs. Dans son viseur et à l’aide de son flash, un peu comme un chasseur, il tracte les scènes insolites du quotidien et les personnages sans pareil. Il reprend ainsi la tradition photographique des clichés nocturnes à laquelle tous les grands maîtres se sont essayés, de Brassaï à Doisneau, et rend surtout un hommage évident à la reine du portrait de nuit, Diane Airbus.

Diane Airbus est justement celle qui révolutionna l’art du portrait de rue en brouillant la notion d’anormalité et d’identité. Sous la caméra de son reflex défilaient les marginaux, les monstres de foire, les malades mentaux, les travestis. Feng Li capture des animaux, des artistes de rue, des êtres qui photographiés en pleine journée n’auraient rien d’inquiétant mais qui saisis à la lumière de la nuit apparaissent affreux, anormaux, angoissants. La nuit crée une atmosphère unique, elle déforme la réalité et Feng Li dans ses clichés rappelle ainsi cette peur universelle de ces formes familières qui la nuit se transforment en monstres effrayants.

Feng Li est le maître de ce que l’on pourrait appeler « les faux ratés ». Sa technique repose sur les erreurs qui d’habitude nous feraient effacer un cliché et qui composent en fait ici son style et l’atmosphère entière de la série. Les photographies de nuit sont les plus difficiles. Pour compenser le manque de lumière, il faut savoir maîtriser de nombreux éléments comme l’exposition, les couleurs. Tous ces facteurs avec lesquels joue justement l’artiste en les prenant à rebours et en ne tentant pas de les corriger. Au contraire, le flash est trop brutal, direct. Il aveugle les sujets dont les figures étonnées se font d’autant plus grimacières. Les personnages se détachent sur un fond de nuit rendu verdâtre par une balance des plans perturbée par l’obscurité et surtout pas rectifiée. C’est le rayon vert de Feng Li qui transforme des hommes, des femmes et même des enfants innocents en monstres d’un instant dans ses nuits fauves.

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