Ella Bats[FRA]

  • Photographie & Cinéma

Chronique

Le 10.12.2018 par JULIETTE MANTELET

Ella est une jeune photographe française. Installée à Paris, elle est fraîchement diplômée de la célèbre école des Gobelins. Ce qui marque immédiatement dans son travail de photographe, et c’est un peu paradoxal, c’est sa proximité avec la peinture et le dessin, deux techniques artistiques qu’Ella a aussi pratiqué avant même de toucher à une caméra. Ses clichés se fondent entièrement sur la couleur et la matière, mélangeant éclats de couleurs vives, contrastes et douceur du grain, à l’image d’une composition picturale. Ella considère « l’image comme une surface modifiable », un tableau à plusieurs couches avec lequel elle s’amuse.

Du PINCEAU À LA CAMÉRA

Il arrive souvent que des toiles par leur impressionnante netteté et la précision des traits fassent penser à des photographies. Dans les toiles d’Hockney par exemple, on croirait presque pouvoir plonger dans l’eau turquoise des piscines. Gerhard Richter, peintre allemand, est célèbre, lui, pour ses « photo-peintures », troublantes de réalisme et questionnant la véracité de la toile et les frontières entre l’art et la réalité. Ella s’inscrit parfaitement dans cette tendance entre caméra et pinceaux. Elle transforme des photographies du réel, paysages ou portraits, en des œuvres d’art plus complexes. Elle ajoute à ses clichés un grain particulier, elle accentue l’intensité des couleurs pour produire une image plus intemporelle. Elle dépasse l’instantanéité de la photographie en brouillant les pistes entre toile et caméra. Les peintres ont craint la photographie à sa création, et surtout sa capacité extraordinaire à retranscrire l’exacte vérité, mais Ella, elle, semble vouloir revenir à l’esthétique plus complexe et moins réaliste d’une toile. Elle redoute la netteté trop lisse de la photographie. Elle rajoute à ses clichés du caractère, du grain d’abord mais aussi un léger flou vaporeux faisant penser à la célèbre technique du sfumato.

Un peu comme dans l’univers de Sergey Neamoscou, chacune des images d’Ella produit immédiatement une impression de tendre mélancolie sur le spectateur. Comme si la photographe avait ajouté un filtre à chacune de ses images, les rendant douces et leur ajoutant ce grain caractéristique du passé, qui rappelle aussi l’existence du support, de la toile du peintre, comme un clin d’oeil. Ella considère la retouche comme une autre couche de peinture et dit « transformer l’image de départ » avec ses logiciels. Elle joue sur les matières pour les rendre presque palpables ou au contraire les lisser et sur les couleurs. Ses couleurs qui constituent la vraie spécificité de son univers photographique. Des couleurs aux teintes multiples qui rappellent l’aquarelle, des teintes qui accrochent la lumière, renvoient les ombres, des teintes qui se déclinent sans fin et qui peuvent reproduire aussi bien les verts de Bali que les rougeurs d’un visage en gros plan. Des couleurs incandescentes et douces à la fois qui rappellent le clair-obscur des portraits de Rembrandt ou du célèbre tableau « Le Nouveau-Né » de Georges de la Tour, ce clair-obscur qui permet d’obtenir une lumière vibrante, irradiante venant illuminer les couleurs orangées. Ses images, notamment ses portraits d’hommes, comme les tableaux et portraits de l’époque Baroque, possèdent une atmosphère très intimiste et étrange à la fois, née de cette lumière rasante sur les visages et de ses couleurs flamboyantes.

Ella, à l’inverse de beaucoup de photographes, ne cherche donc pas la netteté absolue ou la composition parfaite, mais préfère fondre les frontières, tout centrer sur la couleur dans des images aux tonalités unifiées et infinies et à l’ambiance mystérieuse si captivante, dignes des grands maîtres, qu’ils soient peintres ou photographes…

 

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