Üghett[FRA]

  • Musique

Interview

Le 03.01.2019 par Juliette Mantelet

« Je baise », simple et efficace, le refrain de ce titre qu’a sorti Üghett en octobre, une reprise de Colette Renard, « Les Nuits d’une demoiselle », ode à la masturbation féminine, est très représentatif de l’esprit du groupe. Üghett, c’est un nouveau projet musical aux influences variées naviguant entre l’électro et la techno, un trio survolté qui chante en français des textes provocateurs et libérés.

L’art de la provocation

Un trio composé de Diane Villanueva, féministe défendant le girl power qui travaille aussi avec les Nanas d’Paname, de Goulwen Courteaux, un geek sachant jouer de tous les instruments, et de Harold, le fan d’électro et le pro des machines. Üghett est né d’une envie commune de créer un nouveau projet à la croisée des styles musicaux de chacun. Ensembe, le trio vient de sortir un premier EP, « Nectar » et de réaliser leur release party avec succès.

Nous avons pris un peu de leur temps pour parler de féminisme, de sexe et surtout de l’art de la provocation et de la musique non-genrée. Cette tendance du sans genre qui explose aujourd’hui, autant en musique, que dans l’art visuel où l’on mélange facilement photographie, peinture et illustration, ou encore dans la mode où les silhouettes brouillent les styles.

Ne pas rentrer dans les cases

Lorsque l’on aborde les influences musicales du groupe, Diane précise tout de suite : « On est tous les trois très éclectiques ». Elle, par exemple, a toujours écouté énormément de musiques différentes en commençant même, plus jeune, par du classique ou des comédies musicales. Les Rita Mitsouko, que l’on cite souvent pour qualifier leur univers, sont aussi l’une de ses références très forte. « Dans les années 1980 ce sont les seuls, avec Niagara un peu, à faire de la chanson française punk. Et c’était une sacrée révolution à l’époque », précise la chanteuse. Ce sont aussi évidemment des figures féminines qui lui parlent, elle qui revendique le girl power. Harold, lui, baigne dans l’univers de la techno depuis qu’il a découvert les platines et Goulwen, instrumentiste, a fait partie de plusieurs formations allant du funk au hip-hop.

« J’ai une technique de choix pour te faire ramper, tu seras à mes pieds ou au fond de mon lit » – Paradis. 

Ce sont ces influences multiples qui créent l’ADN de Üghett et le style du groupe, indéfinissable, symptomatique de la chanson française d’aujourd’hui où le rap rejoint la pop, et où la chanson française se couple à l’électro. Une musique non-genrée qui est incapable de rentrer dans une seule case et qui d’ailleurs, ne le souhaite surtout pas. Dès que l’on propose cette définition Diane réagit au quart de tour : « J’adore que tu parles de non-genrée pour de la musique, c’est génial ». Elle regrette ce besoin permanent de la société actuelle et des médias de toujours coller une étiquette aux groupes. La jeune femme rappelle que si l’on évoque l’électro, ce genre musical regroupe à lui seul des facettes totalement différentes et diverses. Pour le groupe, le qualificatif « non-genré » colle parfaitement à leur envie de parler du genre, du féminin, du plaisir au coeur d’odes au sexe hyper positives.

Je baise

La chanteuse soigne ses textes d’autant plus qu’elle écrit désormais en français, une langue dans laquelle « chaque mot a son importance ». « Ce qui me touche dans les projets actuels, peu importe les styles musicaux, c’est ce souci d’écriture. J’ai un peu de mal avec l’écriture bateau ». La jeune femme compose alors autour de thèmes importants pour elle : « Le cul, la femme, la relation homme-femme et la société de consommation ». Des thèmes actuels qui lui « sautent aux yeux ». Ces sujets, elle les décline toujours avec un jeu de double sens, racontant que chacun pourra retenir quelque chose de ses textes. « Je suis assez girl power franchement. Mais attention, les garçons aussi défendent la cause ! » précise-t-elle en souriant. Alors on lui pose cette question évidente : se considère-t-elle comme féministe ? « Oui, mais si on ne parle pas de politique » réplique-t-elle immédiatement, en ajoutant qu’elle défend un féminisme ouvert, laissant une place aux hommes dans le combat.

« C’est bien de pouvoir juste le dire : « je baise », comme tout le monde en fait »

Ce message féministe parcourt leurs titres, notamment incarné par la thématique du plaisir féminin, que ce soit dans « Enfin je m’abandonne » ou dans cette fameuse reprise de Colette Renard, « Les Nuits d’une demoiselle ». Un texte d’il y a 60 ans, au message « encore très actuel » pour le groupe. « On est parfois en totale régression et là c’est bien de pouvoir juste le dire : « je baise », comme tout le monde en fait » explique Diane. Goulwen, Diane et Harold veulent renverser le schéma actuel, où seuls les hommes expriment leur désir et parlent de sexualité dans les médias. « C’est un morceau qui a 60 ans et c’est dingue que même aujourd’hui il y ait encore des gens qui s’offusquent des paroles. Le combat continue, il faut casser le puritanisme ! » s’indigne Goulwen. Üghett, un trio de messagers qui souhaitent par la musique « transmettre ce genre de messages tout en s’amusant, en dansant et en suant ». Des messages transmis aussi, évidemment, par la provocation, mais, et ils le défendent ardemment, une provocation toujours élégante et doublée d’humour, de beaucoup d’humour…

Provoquer avec élégance 

La provocation est omniprésente chez Üghett. Phrases crues comme ce fameux « je baise » ou encore « achète-moi », langage sexuel, allusions au corps très explicites, clips hyper sexualisés, font partie intégrante du groupe et de son univers. La provocation semble aujourd’hui à la mode dans la musique, on pense par exemple aux titres d’un groupe comme Thérapie Taxi (« Salope », « Ta Zouz », « Hit Sale »)… Mais tout de suite, Diane veut marquer une nuance fondamentale selon elle : provoquer d’accord, mais toujours avec élégance. Elle explique que leurs thèmes vont choquer et faire réagir, certes, mais qu’ils les abordent toujours avec trois éléments clefs pour eux : l’humour, l’élégance et le second degré. Cette envie on la retrouve aussi dans leur clip, toujours en lien étroit avec le propos des chansons, où rien n’est jamais gratuit. Ainsi, Üghett évite ainsi ce que l’on a reproché au clip de Thérapie Taxi, « Ta Zouz », tourné sans raison évidente dans une église : la provoc’ sans finesse pour le plaisir de choquer. Une provocation subtile permettant ainsi de faire passer des messages clairs. Comme exemple pour souligner son propos, Diane prend le clip de leur reprise des « Nuits d’une demoiselle » : « Oui c’est provo parce qu’il y a une femme en train se toucher mais c’est aussi hyper drôle. Sur le plateau, les filles se sont éclatées et cela se ressent dans le clip. Cet humour il faut absolument qu’il soit là » détaille la chanteuse. « Notre limite c’est la vulgarité. Je pense qu’on peut dire plein de choses sans être trop franc du collier », conclue Goulwen.

 

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