Saintard[FRA]

  • Musique

Interview

Le 29.03.2019 par JULIETTE MANTELET

Saintard est producteur, saxophoniste, compositeur… Depuis peu, il a ajouté une nouvelle corde à son arc en lançant son projet solo, en français, après de nombreuses collaborations avec des noms comme Enchantée Julia ou Prince Waly, entre autres. Formé en jazz, il a appris le saxophone au conservatoire. On le dit aussi transfiguré par le hip-hop américain, ou encore « biberonné » par la soul et le funk. Son premier clip, Paradoxe, nous a rappelé la fraîcheur de Miel de Montagne, dansant un slow avec son chien ou invitant ses auditeurs à vivre tout nu. Un même mix plaisant d’une certaine légèreté, d’un humour plein de second degré et d’une absurdité un peu surréaliste, le tout dans un clip fait entre potes, simple, convivial et efficace. Saintard fait d’ailleurs les premières parties de Mou, un projet avec lequel il a également en commun l’humour et le décalage et rêve d’un featuring avec Philippe Katherine. Comme Miel de Montagne, il évoque l’amour en douceur, sans spleen et avec beaucoup de nonchalance…

LA VRAIE FAUSSE NONCHALANCE

Ce mélange des genres clairement revendiqué, et cette « vraie fausse nonchalance » affichée sur tous ses réseaux, nous a donné envie de rencontrer le personnage. Dès les premières minutes de notre interview, nous comprenons très vite que dans la vie comme dans son clip, Saintard est quelqu’un de très calme. Il parle avec la même diction posée que dans ses titres. Il sait où il va, et il y va, pas inquiet pour deux sous de ce passage de l’ombre à la lumière. Il joue la décontraction mais analyse avec finesse son projet et le paysage musical actuel, sans illusion, mais avec précision. C’est peut-être ça la vraie fausse nonchalance. Saintard explique son projet avec les pieds sur terre. Son but est simple : « faire des choses qui me ressemblent et à mon échelle ». Comme ce premier clip, réalisé « entre potes », avec Datis Balaï et Nicolas Pidoux, au lac de Vincennes, chez la grand-mère d’un de ses amis ou encore dans la coloc de ses potes.

Saintard, comme dans Paradoxe, revendique l’humour avant tout et avec tout. « L’humour c’est ce qui vieillit le mieux », explique-t-il. « Et cela peut parler à plein de générations différentes, plus que le spleen, car l’humour ça rebondit ». Son humour à lui repose sur le second degré : « J’aime bien rire de moi-même ». Saintard écrit à 90 % sur des situations de sa vie de tous les jours, des situations « un peu banales » dans lesquelles il essaie de « trouver une part de rêve. » Dans Paradoxe, le chanteur n’avait aucune envie de tomber dans le registre pathétique, ou d’écrire une énième chanson d’amour triste. Au contraire, il invite par son titre à prendre du recul sur les situations et préfère avec maturité aborder ces « histoires que l’on ne regrette pas d’avoir vécu, même si cela se termine ». Pour changer, Saintard voulait donc parler avec humour de ce côté positif d’une rencontre amoureuse, raconter ces couples « qui se tapent des barres six ans après leurs ruptures ».

L’AMOUR… PAS TOUJOURS

Saintard reste lucide quand on le taquine sur la facilité de toujours parler d’amour. Il est d’accord : « l’amour c’est bien, mais il n’y a pas que ça ». Et il nous révèle les sujets plus sérieux qui ponctueront son EP à paraître cet été. Il y abordera des thèmes plus rares en musique aujourd’hui, comme la question essentielle de l’identité : « Sur le titre ‘Je ne suis pas américain’, j’aborde la manière de s’émanciper de tes références quand tu veux faire de l’art ». Il évoquera aussi la curiosité et l’ouverture d’esprit et reprendra même la chanson Pauvre Jésus Christ d’Henri Salvador, dans laquelle ce dernier conseille à Jésus de ne pas revenir sur terre. Saintard projette également dans ses prochains titres de parler de corruption dans le milieu du journalisme et de l’espèce humaine, « qui est une sale espèce ». Fini l’amour !

SAINTARD CHALLENGE

Ce qui est sûr, c’est que Saintard aime se lancer des défis. Comme celui de passer à la chanson après des années à produire ou à faire des accompagnements au saxo. Ou encore choisir de se lancer dans la chanson française quand il ne connaît que le funk ou la soul, et n’a pas du tout la culture de la chanson française. Quand on lui demande ses inspirations, il enchaîne une liste uniquement composée de figures américaines emblématiques comme Gil Scott-Heron ou Kenny Garrett. C’est justement ce qui l’intéresse. Avoir ce background 100 % américain, mélange de jazz et de hip-hop, et pourtant se lancer dans la chanson en français. « J’écoute des choses qui n’ont rien à voir, mais j’ai quand même voulu essayer d’écrire en français parce que c’est ma langue et que je souhaite transmettre ce second degré qui est difficile à avoir en anglais. » Un vrai challenge pour Saintard, passionné par l’hybridité des styles, la découverte de nouveaux horizons. C’est ce qu’il aime le plus dans la production, collaborer avec des univers totalement différents et apprendre de ces mélanges improbables. « J’en redemande car c’est très cool de faire des productions avec des gens qui n’ont pas fait de solfège et qui ont un rapport totalement autre à la musique ». Sa projet solo se nourrit de ces rencontres et mêle les codes de la pop, des textes à histoire typiques de la chanson française et des productions assez British. Pour lui, c’est de la soul, mais loin, très loin de Ben Oncle Soul surtout. « De la soul expérimentale comme James Blake avec Jorja Smith et Homeshake », décrit-il. Une soul modernisée et revisitée, influencée par le hip-hop et l’électro des années 90, pour rester futuriste dans les prods, à l’image de Gainsbourg, une de ses seules références françaises. Si pour le moment Saintard accompagne Mou ou Dani Terreur pour leur première partie, un jour, il pourra lui aussi choisir ses invités et espèce pouvoir travailler avec Voyou, « pour apprendre avec quelqu’un qui a un univers totalement différent mien », et rêve de featurings improbables comme celui de Feu ! Chatterton et Prince Waly, auquel il a participé à la production, mais en étant désormais tête d’affiche.

 

Envie de créer un projet avec cet artiste ?
Contactez-nous