Oui Romane[FRA]

  • Illustration

Chronique

Le 07.10.2019 par JULIETTE MANTELET

Une femme se rafraîchit dans un verre de Ricard. Une autre fait trempette dans une huître. Un couple est en plein coït dans la moutarde d’un hot-dog. C’est clair, l’univers de Romane Peychet Lacaze est farfelu. Romane a grandi sur le Bassin d’Arcachon, entourée de femmes fortes et indépendantes qui s’assument, libres, sans pudeur. Un lieu où fleurissent les plages naturistes. Des plages où se retrouvent des corps de toutes les couleurs, de toutes les tailles. Son art se veut aussi engagé. Elle prend au pied de la lettre cette expression de femme-objet pour jouer et aussi pour dénoncer. Et par la même occasion, condamne la société de consommation. Qui mieux que Romane elle-même pour nous parler de son art. À elle la parole.

MANGEZ-MOI

« Mon travail est engagé. Mes illustrations sont ma façon de dépeindre la société, la féminité, la surconsommation et l’injustice. La nourriture par exemple représente pour moi l’éphémère par excellence. Ça se dévore, se savoure et se termine et puis on recommence. Si je devais décrire mon travail en un mot ce serait celui-ci : métaphore. Chaque chose que l‘on fait, que l’on vit, que l’on touche peut être une métaphore. Celle de la société, des stéréotypes de beauté, de la consommation amoureuse ou amicale, de la surconsommation humaine tout court.

La femme tient le rôle principal de mon imagination. J’aime la pureté du corps nu et la douceur des formes qu’elle représente. Peut-être est-ce dû au milieu très naturel et décomplexé dans lequel j’ai grandi, ou simplement de cette passion pour mes cours de modèles vivants que je suivais en étant étudiante. »

Le Nokul. Je suis née dans les années 90, une époque où nous n’avions pas accès à Internet comme les adolescents peuvent l’avoir aujourd’hui. J’ai grandi loin des images subliminales qu’on nous balance dans des spam incessants, loin de la surinformation, dans un cadre assez naïf et insouciant. Le Nokul est un dessin qui m’est venu naturellement après un passage éclair sur Tinder. Je me suis rendue compte qu’au-delà d’un site censéé nous faire rencontrer des personnes que nous n’aurions pas croisé dans notre quotidien, c’était surtout une mine… Un pugilat de possibilités de plans d’un soir, de sextos, de drague un peu merdique. Et j’ai réalisé à quel point le sexe s’est banalisé, à quel point il est presque devenu un pur produit de la société de consommation.

« 1 plan-cul acheté 1 plan-cul offert dans tous les magasins partenaires ».

Pickles et Doliporn. La nourriture et les marques sont également pour moi un immense terrain de jeu. Pour leurs couleurs, leurs formes, leurs odeurs, mais également car elles offrent des possibilités infinies de jeux de mots. Le Doliporn par exemple ne m’est pas venu par désir de critiquer le système pharmaceutique, mais simplement de par la texture de la plaquette de médicaments, de par sa couleur et par la possibilité de tourner cette marque connue de tous à la dérision et de la transformer en une chose, un objet ludique et drôle. Passionnée de cuisine depuis toujours j’aime allier mon travail à cette discipline. Il m’arrive très souvent d’inventer des recettes, de les noter et de les illustrer dans mon style graphique, avec toujours ces femmes qui viennent s’entremêler et jouer avec les goûts et les odeurs de mes plats, pas toujours très bons…

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