Elsa & Johanna[FRA]

  • Photographie & Cinéma

Interview

Le 10.05.2017 par Céline Cossez

Dans le quartier de Censier Daubenton, entourées d’étudiants, Elsa, grande blonde au visage rond et Johanna, brune volubile aux traits fins, acceptent de me rencontrer pour me parler de la sortie de Fall in Deep, le dernier clip de Blow qu’elles ont réalisé et qui vient tout juste de sortir. Elsa & Johanna font partie de la sélection Cinéma du dernier book TAFMAG sur les 50 artistes à suivre. À l’occasion de la sortie de Bubble Gum (2016). découvrez le profil atypique de deux artistes en roue libre.

A Couple of Girls

Depuis peu les deux photographes connaissent un succès affirmé grâce à la série photo A Couple of Them ; 100 photos qui semblent mettre en scène différents couples ou individus, rencontrés et photographiés au hasard. Erreur. Le reportage photo se brouille lorsque l’on se rend compte que chaque personnage est fait du même physique, celui des deux photographes.

Les deux étudiantes se rencontrent à New York en 2014 pendant leurs études. L’une vient des Arts Décoratifs, l’autre des Beaux Arts de Paris. Immergées dans le « Village » de Brooklyn, elles ressentent comme de la nostalgie : « l’ambiance du quartier a réveillé en nous une nostalgie de nos propres milieux », raconte Elsa, « comme un voyage dans le passé ».

Incarner la multitude

L’envie d’incarner la multitude qui s’agite sous leurs yeux et de retrouver des visages connus du passé pousse les deux jeunes femmes à un travail de recherche, vestimentaire d’abord. Puis, l’attitude, la démarche et le regard formeront une personnalité, irréelle et subjective, qui vit à travers de la photographie.

« On n’avait pas peur, on a essayé plein de trucs, on a été généreuses », se souvient Elsa, « On ne s’est jamais dit qu’on voulait être belles sur nos images », complète Johanna, « le but était de se regarder sans se juger, même si tu joues un personnage à l’opposé de ce que tu crois être ». Sur les images, les codes traditionnels du portrait côtoient ceux de la photo intime, inscrite dans un rapport de confiance avec le photographe (amis, amoureux, connaissance). Les personnages posent sans poser, il ne sont pas en représentation d’eux-mêmes mais plutôt captés dans un de ces moments neutre qui caractérise la rencontre de rue.

La vidéo, tremplin vers l’imaginaire

Chaque image a une teinte ; la couleur est importante pour ce projet, comme pour son jumeau, la vidéo. Les deux médias se nourrissent et se complètent : « On a trouvé le moyen de lier les deux ! », s’enthousiasme Elsa, « faire dialoguer le clip et le portrait photo dans un rapport entre rigidité et spontanéité ». Le personnage créé pour la photo va plus loin en vidéo; il révèle des facettes invisibles et pousse la liberté performative loin du cadre rigide, contrôlé de la photo. Le langage unique ainsi créé inspire une foule d’interprétations. Mais tout concept n’a été conscientisé qu’après coup.

Car la fabrication a été vécue comme une performance personnelle et sensorielle. La définition du concept, les interprétations sociales, intellectuelles ou générationnelles, de genre ou d’identité sont apparues avec la confrontation du public. « Si on avait intellectualisé tous ces thèmes dès le départ, on serait tombées dans beaucoup d’écueils », m’assure Johanna, « on n’aurait pas eu cette impression de sincérité sur la pellicule ». C’est cette vérité qui a convaincu le Salon de Montrouge et le festival Circulation(s), entre autres, et qui leur a permis de rentrer par la grande porte dans le monde de la photo.

Une complémentarité qui plaît

Ces différentes opportunités d’exposition font circuler leur travail et entraînent la machine des collaborations. Depuis A Couple of Them, elles ont écrit, réalisé, produit et joué dans cinq clips pour l’artiste Lenparrot<. « Une musique très cinématographique qui nous correspondait bien », décrit Johanna. Elles se découvrent un style minimaliste, coloré et onirique qu’elles souhaitent enrichir et expérimenter sur d’autres projets. Notamment grâce au clip de Blow, premier clip produit dans lequel elles se mettent également en scène : « Une super expérience qui nous a permis de faire un pont entre nos clips colorés et les portraits de A Couple of Them » explique Johanna.

La réalisation est définitivement un domaine qu’elles veulent exploiter : « On aime toujours raconter des histoires, mais avec les deux médias », révèle Elsa, « travailler seulement l’un ou que l’autre nous ennuierait ». La motivation des jeunes femmes aujourd’hui, c’est d’aller toujours plus loin. Ne pas réitérer, quitte à « se casser la gueule » dixit Johanna. Trouver l’équilibre entre collaborations rémunérées et projets personnels qui s’enrichiraient et s’inspireraient les uns des autres ; toujours dans la continuité.

 

 

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