Juicy[BEL]

  • Musique

Juicy, un nom un peu kitsch pour un duo de filles belges aux caractères bien trempés et surtout, pleines d’humour. Elles font les premières parties de la chanteuse Angèle, appartiennent, elles aussi, à cette nouvelle vague d'artistes belges et ont sorti récemment leur premier EP, « Cast a spell ». Entre hip-hop, style bling bling, humour belge et chansons féministes, rencontre avec un binôme de choc.

Interview

Le 25.05.2018 par Juliette Mantelet

DE LA LÉGÈRETÉ AVANT TOUTE CHOSE

Sur scène, Julie et Sasha arborent fièrement des vestes rouges flash à poil et autres tenues décalées. On croise d’ailleurs ces vestes, devenues emblématiques de leur style, emballées dans des sacs dans les back-stage du Trianon. Mais les deux jeunes filles que l’on rencontre quelques heures avant leur concert, dans leur première « vraie grande salle », sont habillées simplement. T-shirts noirs ou blancs, jeans. Très spontanées, elles savent déjà très bien où elles veulent aller. Elles impressionnent par leur assurance, leur lucidité et leur autodérision.

Juicy c’est un projet qui a commencé il y a un peu plus de deux ans. À l’époque, Julie et Sasha s’amusaient à faire des covers de tubes des années 90 et jouaient dans des petites salles. Depuis, elles ont décidé de monter un vrai projet musical toutes les deux, en anglais et aux influences diverses. Un beau mélange de rap, de hip-hop, mais aussi de jazz et de pop. Ce qui séduit aussi dans leur projet, ce sont leurs textes, intelligents et féministes. Le titre « For Hands On Ass », dénonce le harcèlement de rue, « Mouldy Beauty » évoque les ravages de la chirurgie esthétique. Elles traitent ces sujets sérieux avec humour et légèreté, tout en restant fidèles à elles-mêmes.

 

POURQUOI LE NOM « JUICY » ?

S • C’est du hasard complètement (Rires). C’est quelqu’un qui nous a lâché ce nom, il y a longtemps. Parce que notre groupe existe depuis 2 ans et demi. Comme on reprenait des morceaux 90’s bien kitsch et sexistes, il nous fallait un nom qui colle bien avec ces années-là.

RACONTEZ-NOUS VOTRE RENCONTRE ET LA CRÉATION DU PROJET.

S • Alors on s’est rencontrées au conservatoire de Bruxelles, au conservatoire de jazz. On a fait plein de petits projets ensemble, soul, jazz, gospel. Et puis il y a deux ans et demi, un pote nous a demandé de faire un petit concert « one shot » pour une exposition. Le thème c’était l’inconfort. C’est comme ça qu’on s’est dit qu’on allait reprendre des morceaux 90’s sur lesquels on danse en soirée comme des folles. Reprendre des textes comme « Candy shop » qui sont très crus mais sortis de notre bouche, pour coller au thème de l’inconfort. Et puis le projet a plu et il y a un an on a commencé à écrire ensemble.

 

ET POURQUOI PASSER DES COVERS À L’ÉCRITURE ?

J • Avec le projet de covers au début on ne faisait que des petites salles, des lieux un peu pourris, pas bien sonorisés. Et au fur et à mesure on a commencé à jouer sur des vraies scènes et ça nous a dérangé. On trouvait ça étrange de faire des si belles scènes avec des reprises. Donc on a eu envie d’écrire, d’essayer, et on trouvait ça plus légitime de jouer des trucs à nous. Et on l’a fait et entre nous ça a trop bien marché, c’était super fluide. (Rires).

VOUS CULTIVEZ UN LOOK SUR SCÈNE ASSEZ BLING BLING. C’EST QUOI L’IDÉE ?

S • On incarne ce qu’on a jamais pu incarner dans d’autres projets. On incarne ce qu’on a envie d’incarner.

J • Et ça peut changer ! On pourrait choisir demain un nouveau style, on se le permettrait, puisque les morceaux ça n’est pas vraiment dans nos peaux qu’on les chante. Si ça se trouve demain on sera déguisées en kangourous. On l’a déjà fait en plus (Rires). On a fait un concert en « kigu » d’écureuils volants et de dragons. N’importe quoi !

 

« Si ça se trouve demain on sera déguisées en kangourous »

VOUS VOUS DÉFINIRIEZ COMME FÉMINISTES ?

J • On est féministes mais comme on le dit à chaque fois, dans le vrai sens étymologique du terme, c’est-à-dire pour l’égalité entre homme et femme. Le premier morceau qu’on a sorti (« Count Our Fingers Twice ») était vraiment une exagération d’une situation et une réponse aux covers qu’on faisait. Nous on est pour l’égalité homme femme à 100 %.

VOS TEXTES ILS PARLENT DE QUOI ?

J. Il y a deux morceaux qui parlent d’amour. Celui de la relation qui s’éteint, « Something is gone » et un autre complètement absurde, « Die Baby Die », avec une histoire R’nB des années 90. Deux meufs qui se rendent compte qu’elles sortent avec le même gars. C’est hyper stupide et c’est ça qu’on trouvait drôle.

S. Notre dernier morceau, qui sortira bientôt en clip, parle du harcèlement sexuel. On incarne deux sorcières qui jettent des sorts, (justement c’est le titre de notre EP) à toutes les mains au cul mises sans consentement. Donc on aussi des thèmes beaucoup plus graves.

J. « Mouldy Beauty » parle de toutes les personnes qui se font complètement refaire pour plaire.

 

DONC VOUS, VOUS AVEZ CETTE ENVIE D’ABORDER DES THÈMES PLUS IMPORTANTS ET ENGAGÉS ?

J. Oui c’est important. On y pense beaucoup. À chaque fois qu’on commence à écrire un titre, on a envie de défendre quelque chose. Ça ne sera pas forcément engagé politiquement, mais on cherche à avoir des thèmes cohérents sur chaque chanson et que tu comprennes directement le message quand tu écoutes.

D’OÙ VIENT VOTRE HUMOUR ?
C’EST LA BELGIQUE ?

J. On travaille l’humour 5h par jour ! (Rires)

S. Est-ce que c’est l’humour belge ? On ne sait pas. On aime bien se fendre la poire. Mais on ne sait pas si c’est lié à la Belgique parce qu’on est belge, donc à toi de le dire.

VOUS VOUS VOYEZ VIVRE AILLEURS QU’À BRUXELLES ?

J. Non, on est trop bien à Bruxelles. On se le dit à chaque fois.

S. Par contre, avoir une résidence secondaire dans un endroit de dingue, pourquoi pas (rires).

J. Mais déjà juste voyager. On a trop envie de voyager avec la musique. Mais nos petites maisons elles sont à Bruxelles.

D’OÙ VIENT VOTRE INTÉRÊT POUR LA MUSIQUE ?

S. Les parents de Julie sont tous les deux musiciens. Les miens, ils sont comédiens. Et après on a fait du piano classique toutes les deux quand on était petites.

J. Et on écoutait de tout ! Parce que du coup on bossait toutes les deux le classique tous les jours et à côté on écoutait des trucs d’enfants. On a des goûts musicaux assez larges et on écoute de tous les styles.

ET POURQUOI CETTE FASCINATION POUR LES ANNEES 90 ?

S. C’est parce que c’est les années pendant lesquelles on a grandit.

J. Il n’y a pas une réelle fascination, tout est parti de ce premier concert. Et de cette contradiction : ce sont des morceaux hyper misogynes mais sur lesquels on aime danser. Mais pour autant, on n’a pas envie de retourner faire un disque 20 ans auparavant.

S. Après c’est une fascination pour tous ces tubes tellement kitsch mais qui marchent de dingue !

J. Et puis y a des beats de malade, les beats de Missy Elliott on adore (Rires).

S. Ah ouais des beats de folie (Rires).

 

POURQUOI ATTACHEZ-VOUS UNE TELLE IMPORTANCE AUX CLIPS ?

J.Parfois, ça donne une nouvelle grille de lecture pour le morceau. Si tu as un univers complètement différent ou qui se lie à l’histoire mais qui n’est pas l’histoire littéralement mise en image. C’est une histoire en plus.

S. Quand on a commencé à écrire l’EP, on s’est dit tout de suite sans vraiment réfléchir qu’on allait cliper les cinq morceaux. C’est ce qu’on voulait faire et on avait économisé l’argent pour.

VOUS PENSEZ QUE C’EST QUOI LA FORCE DE LA SCÈNE BELGE INCARNÉE PAR ROMÉO ELVIS, ANGÈLE ?

S. Justement, comme on le disait tout à l’heure, je pense que c’est la légèreté. Roméo ou Angèle c’est des gens qui ne se prennent pas trop au sérieux.

J. Ils font de la musique sérieuse mais avec une patte plus simple.

 

ET L’ORIGINALITÉ DE VOTRE PROJET,
C’EST QUOI ?

S. Des danses incroyables sur scène !

J. Sur scène on joue tout, on reste en duo et on joue de tous les instruments. C’est un truc qui nous différencie avec, aussi, notre mélange des styles.

IL Y A UNE ARTISTE À QUI VOUS AIMERIEZ RESSEMBLER ?

J. Björk, qui n’est pourtant pas du tout dans notre style ! Elle fait voyager d’un album à l’autre dans des styles très différents mais sans qu’on perde la cohérence de son projet et de sa personne un seul instant.

DANS VOTRE PROJET, VOUS METTEZ PAS MAL LA MAIN À LA PÂTE ?

J. Oui, on a envie de garder le contrôle, de savoir ce qu’on fait. Et puis comme on est musiciennes depuis longtemps et que dans notre univers beaucoup de personnes sont dans la musique, on ne se fait pas de fantasme sur des buzz potentiels. On a vachement les pieds sur terre. Mes parents sont musiciens et je vois bien comment ça fonctionne. En fait, il faut bosser tout le temps. Tu as l’impression parfois que tu peux lâcher le truc mais il ne faut pas.

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