Haute[CAN]

  • Musique

De la prétention ? Pas du tout. Derrière le duo hip-hop et electro Haute se cache plutôt une belle complicité qui se traduit dans un univers musical haut en couleurs. Convergence de deux visions distinctes de la musique : l'une classi-jazzy et l'autre tournée vers le beatmaking.

Interview

Le 02.02.2018 par Aphélandra Siassia
UN DUO HAUT EN COULEUR

Ayant tous les deux vécus en France et aux Etats-Unis, ces deux âmes aux parcours similaires se sont rencontrées de manière totalement fortuite via les réseaux sociaux, par échange de tracks interposés. De là naîtra une collaboration aussi riche que référencée, un projet faisant le pont entre toutes leurs influences, jazz manouche, RnB ou encore électro.
Depuis la diffusion de leur vidéo « Shut Me Down » réalisée dans les studios Colors à Berlin, le groupe jouit d’une belle visibilité et commence à toucher le monde entier. TAFMAG a voulu en savoir plus sur ce binôme qui fait déjà grand bruit.

HAUTE ÇA PEUT PARAITRE UN PEU PRETENTIEUX COMME NOM, NON ?

Blasé (Romain). On est conscients que ça peut donner cette impression. Nous, c’est plus pour l’attention aux détails. C’est vraiment pour mettre en évidence ce côté presque artisanal de la musique, un peu comme la haute couture.

Anna. On a cherché pas mal de noms et à cette période mon nom d’artiste c’était Anna Majesté. Je jouais beaucoup sur une image à l’Américaine, de luxe, de richesse et en même temps on cherchait un nom français qui est une belle signification.

 

POURQUOI VOULOIR METTRE EN EVIDENCE CETTE « FRENCH TOUCH » ?

B. Ça fait partie de nous, de notre identité.

A. Montréal est une ville très cosmopolite mais le fait que l’on soit tous les deux Français c’était assez spécial et on voulait justement faire un petit clin d’oeil à notre culture.

 

REVENONS SUR VOTRE RENCONTRE. VOUS ETIEZ FAIT POUR VOUS TROUVER…

B. On a des profils assez similaires parce qu’on a tous les deux grandi aux Etats-Unis et en France. Mais on s’apporte aussi beaucoup l’un l’autre.

A. Quand on était à Mc Gill on rencontrait souvent des personnes binationales. Quand on s’est rencontrés ça ne nous a pas tant surpris que ça. Et ce qui est drôle c’est qu’on avait un cours en commun mais on ne s’est jamais adressés la parole. On s’est rencontrés grâce au son sur Internet. Du coup ce ne sont pas nos parcours qui nous ont rassemblé mais la musique.

 

AVANT HAUTE, AVIEZ-VOUS UN GROS « BACKGROUND » MUSICAL ?

B. J’ai joué plusieurs instruments quand j’étais petit. J’ai toujours adoré la musique et on en écoutait beaucoup chez moi. Mon père jouait du saxo quand il était plus jeune et on en avait un à la maison. J’ai donc pris des cours. Puis plus tard je me suis mis à faire du son sur mon ordi.

A. Je ne voulais pas faire de musique car mes parents sont tous les deux musiciens. J’ai baigné dedans. Toute petite j’entendais déjà des jams dans le salon. Ils sont musiciens pro du coup je voyais ça d’un angle pas très glamour et en plus ils font du jazz et il n’y avait pas trop de thune. Vu qu’ils n’avaient pas fait d’étude, je voulais en faire pour éviter de devenir musicienne. Mais c’est devenu ma passion et je n’ai pas pu m’arrêter. Surtout quand c’est ton héritage. Ma relation avec mes parents est basée sur la musique, c’est une partie de moi qui est primordiale mais je ne l’aurais pas fait professionnellement si on avait pas eu cette chance avec Haute.

 

 

COMMENT S’EST CONSTRUIT CE PROJET ?

B. Au début, on voulait collaborer mais on ne savait pas vraiment comment on allait s’investir. On a fait quelques morceaux et quand on a vu que certains plaisaient, on a décidé de monter un duo. On avait un bon « feeling » et c’est pas évident de trouver une personne avec qui ça fonctionne bien. Faut vraiment se comprendre musicalement.

 

ÇA S’EST FAIT NATURELLEMENT FINALEMENT ?

A. Je n’ai même pas vu ce projet se former. J’étais plutôt cool et un jour, le producteur de Romain lui a dit : « Bon je te prends un billet pour la France, on va parler business » et ça s’est fait comme ça. C’était hyper naturel.

 

SI VOUS DEVIEZ DECRIRE VOTRE DUO, EN TROIS MOTS MAXIMUM CHACUN ?

A. Précision, synchronicité, sentiment et sensualité.

B. Ça fait quatre, mais je garde les mêmes (rires).

ON VA REVENIR SUR VOTRE ESTHETIQUE. IL Y A UN CÔTÉ ELECTRO LOUNGE ET MEME TEMPS TRES  RnB À LA SBTRKT. QUELLES SONT VOS INFLUENCES ?

A. C’est totalement ça. Je viens du jazz à la base. Quand je vivais en Californie, j’écoutais beaucoup de RnB, je me suis fait ma culture musicale américaine en vivant là-bas. J’écoute aussi beaucoup de jazz, des choses récentes comme Esperanza Spalding, Robert Glasper, mais aussi celui des années 30-40. Ma mère est chanteuse donc tout ce qui était Billie Holiday et Ella Fitzgerald, j’ai saigné.  Sinon j’écoutais beaucoup de  Lauryn Hill et de Erika Badu et en arrivant à Montréal, je suis plus allée dans le hip hop et l’électro. Quant à Romain, le hip hop l’a vraiment influencé et avant ça l’électro et le rock mais je pense que l’entre-deux ouais c’est des influences comme SBTRKT qui sont finalement des projets accessibles. On a essayé de faire comme eux, de faire le pont entre toutes nos influences.

B.J’écoutais pas trop de RnB c’est Anna qui m’a fait découvrir, j’écoutais surtout du rock avant puis je me suis mis au rap américain. Snoop Dogg et Eminem, à l’ancienne.

 

CE SONT DES RENCONTRES QUI VOUS ONT OUVERTS À TOUT ÇA ?

A. À Montréal, il y avait un mouvement important de musique hype, la « piu piu music ». Quand Kaytranada commençait tout juste à percer, on allait le voir dans des lieux undergrounds avec mon ancien copain beatmaker. C’était une période où j’avais envie de poser sur des prods. Je voulais aller plus loin et j’ai trouvé la page de Romain sur Facebook. J’avais une démo enregistrée dans une cage d’escalier que j’ai mis sur Soundcloud, puis sur la page Facebook et Romain m’a contactée. C’était la première fois qu’une personne produisait totalement ma compo. J’ai sauté de joie quand je l’ai écouté c’était trop bien.

 

SUR LA SCENE FRANCOPHONE ACTUELLE, Y-A-T’IL DES ARTISTES AVEC QUI VOUS AIMERIEZ COLLABORER  ?

B.Damso, je kiffe.

 

 

A. Sabrina Bellaouel, j’aimerais bien bosser avec elle. Les mecs de Grande Ville, genre Loubenski, Monomite aussi. Je les avais vus en studio un jour et ils m’ont mis sur le cul. Ce sont des musiciens incroyables je crois que j’aimerais bien bosser avec des musiciens et des beatmakers mais j’ai tendance à les mettre dans des cases différentes.

B. C’est de la fausse musique (rires)

A. C’est un peu de la triche (rires). Pour moi le vrai musicien c’est une personne qui fait de la musique 24 heures sur 24 dans sa chambre et qui est asocial (rires). Mais en même temps il y a des mecs sur ordi qui sont comme ça. Des geeks, donc des vrais musiciens aussi.

 

DES FOIS ON A L’IMPRESSION DE DEUX MONDES QUI S’AFFRONTENT, ÇA SE VOIT BEAUCOUP DANS LE MILIEU DES JAMS. VOUS VENEZ JUSTEMENT DE DEUX « ECOLES » DIFFERENTES. AVEZ-VOUS UN PROCESSUS DE CREATION PARTICULIER ?

B. Il n’y pas un process ça dépend vraiment des sons. On a démarré avec les morceaux d’Anna. Elle écrivait une ligne de chant et elle rajoutait une partition guitare ou piano et elle me les envoyait. Après je faisais une prod. Depuis, un an ça peut varier. Soit c’est moi qui envoie une prod et écris une ligne de chant soit on inverse. Anna fait de la prod aujourd’hui.

 

IL Y A VERITABLE EQUILIBRE DONC.

A. Au départ, c’était pas du tout ça mais on s’est tellement inspirés l’un l’autre.

B. Tu m’as donné envie de chanter.

A. Tu m’as donné envie de faire de la prod.  Je pense qu’on aura toujours envie de travailler ensemble.

 

IL Y A UNE VRAIE COMPLICITE, LORSQUE L’ON VOUS REGARDE, VOUS DEGAGEZ QUELQUE CHOSE DE CHARISMATIQUE. EST-CE QUE VOTRE IMAGE A UNE IMPORTANCE POUR VOUS ?

B. Pour moi c’est super important quand je vois d’autres projets. Je vais toujours juger en premier l’image et je sais qu’on doit faire la même chose mais je ne veux pas que l’on ait une image trop calibrée, trop travaillée.

A. Il faut que ça reste le plus authentique possible parce que le public le voit directement. Il y a un moment où les murs vont tomber (rires). On sous-estime à quel point l’apparence et la réputation comptent. Si je kiffe un artiste et que l’on me dit que la personne en question est odieux, même si c’est un super artiste, sa musique va perdre de la valeur à mes yeux. Je vais moins l’écouter. On est des produits, c’est une réalité, c’est tout un package surtout avec Internet. En tant qu’artiste on a jamais été aussi proche de notre public.

 

 

COMMENT VIVEZ-VOUS CETTE NOUVELLE VISIBILITE NOTAMMENT DEPUIS LA DIFFUSION DE LA VIDEO DES STUDIO COLORS ?

B . Ça nous a donné une belle visibilité car c’est un média de qualité. Pour moi ce sont les plus belles vidéos diffusés sur une chaine Youtube de ce genre. Beaucoup de gens maintenant découvrent les artistes via cette chaine. C’est une belle plateforme de lancement et c’est devenu une référence. Ce qui est cool c’est que les retours que l’on a sur les réseaux sociaux viennent du monde entier maintenant. Ça fait super plaisir.

A. Et en même temps c’est un peu comme un soulagement. Ça nous donne une forme de crédibilité et de légitimité. Je suis contente parce le message de « Shut Me Down », est universel. C’est chouette quand un morceau parle aux gens de manière positive.

 

QUELS SONT LES FUTURS PROJETS ?

B. On va sortir un morceau dans les mois à venir et on va être la préparation de l’album très bientôt pour la fin de l’année et entre temps on va faire des dates. On réfléchit à des clips aussi.

LE MOT DE LA FIN ?

A/B. Merci TAFMAG. Allez « checker » notre son !

 

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