Lucile Gauvain[FRA]

  • Illustration

Chronique

Le 06.04.2020 par Juliette Mantelet

Lucile Gauvain : illustration, cinéma, OVNI et mondes parallèles

De Wes Anderson aux OVNIS

Lucile Gauvain dessine à la fois pour elle, avec ses crayons de couleur, et pour le milieu du cinéma où elle bosse sur le design de décors. Récemment, elle a même travaillé sur le dernier film de Wes Anderson, The French Dispatch, tourné à Angoulême. Comme beaucoup, on est très fans chez Tafmag de l’univers décalé de Wes Anderson, on a donc tout tenté pour que Lucile nous confie quelques anecdotes de tournage. Mais secret professionnel oblige, elle a résisté. Rien ne doit filtrer avant la sortie.

La jeune femme oscille entre ces deux mondes avec aisance, dessine entre ses projets de cinéma, et imagine à travers ses illustrations personnelles un monde bien à elle, décliné sur plusieurs scènes. Des mondes parallèles, fantastiques, étranges, où l’on pique-nique sur une planète rose, où l’on communique avec les esprits et où les ovnis existent pour de bon. Des espaces parfaits pour s’évader de notre quotidien de confinés et laisser parler notre imagination.

Retour sur Terre, où Lucile est actuellement confinée à Paris, avec son copain, le photographe Manol Vatchanov et son chat. Elle profite de ce temps arrêté pour faire tout ce qu’elle repoussait, notamment créer son site et dessiner de nouvelles séries. Pendant ce confinement, elle dit avoir « retrouvé un vrai rythme de dessin ». Mais ajoute quand même qu’elle est « à deux doigts » de rejouer aux Sims (nous, on a déjà craqué). En tant qu’artiste, Lucile se dit habituée au calme plat. « Je vis souvent de grosses périodes de travail qui s’arrêtent d’un coup pour me retrouver à l’appart libre comme l’air les semaines d’après, pour un temps indéterminé », raconte-t-elle. On a justement profité de ce temps pour discuter avec elle de sa vie partagée entre illustration et cinéma, monde réel et monde inventé.

L’INTERVIEW BY TAFMAG

« Je fais des illustrations qui mettent en scène des personnages dans des univers un peu particuliers »

Hello Lucie, dis-nous un peu qui tu es ?

Hello, je m’appelle Lucile et je travaille depuis 4 ans en tant qu’illustratrice de décors et designer graphique dans le cinéma. En parallèle, je fais des illustrations qui mettent en scène des personnages dans des univers un peu particuliers…

Comment l’illustration et le cinéma sont-ils arrivés dans ta vie ?

J’ai toujours dessiné. Pour ce qui est du cinéma, je m’y suis intéressée un peu plus tard et pas dans le sens large du terme. J’étais surtout fascinée par les fictions qui avaient un univers visuel fort. J’ai commencé des études d’archi en école d’art à Paris et quelque chose me manquait dans les projets abordés. Un jour, j’ai pu travailler sur un projet de scénographie pour du théâtre, j’ai adoré designer des décors qui sortaient de l’ordinaire et je me suis rendue compte que c’était possible de le faire pour le cinéma. Je crois que j’étais moins intéressée par le fait de créer des bâtiments qui s’inscrivent durablement au quotidien que par l’idée de transformer notre environnement naturel pour les besoins d’une histoire.

Donc tu dessines depuis longtemps ?

Oui, en vérité je dessine depuis plus longtemps que je ne travaille dans le cinéma, mais je me cherchais beaucoup. Pour une question de medium ou de sujet, je n’étais jamais vraiment satisfaite de ce qui sortait, ça ne ressemblait pas exactement à ce que j’avais en tête. Avec le cinéma, j’ai pu développer plusieurs techniques de dessin pour illustrer des décors. Seulement, ces styles correspondent la plupart du temps à une demande du scénario ou plus généralement à « l’ambiance » qui va être donnée au film. En parallèle, j’ai pu cerner ce qui me plaisait le plus en termes d’outils, de couleurs, de sujets et ça m’a permis de pouvoir de temps en temps faire des dessins qui ne répondent à aucune autre demande que la mienne.

Comment tu fais pour tout faire ?

J’ai commencé à faire des illustrations personnelles parce qu’il y a souvent des temps d’attente entre deux films. Et maintenant, j’adore avoir la possibilité d’alterner trois façons de designer très différentes tout au long d’une année. Si j’ai commencé à publier ces dessins, il y a un peu plus d’un an, c’est aussi à force d’entendre mes proches me dire de le faire. Sinon, très sincèrement ça serait resté caché dans un tiroir. Je suis contente de l’avoir fait mais ça ne change pas grand-chose à mon quotidien. Mes nouvelles illustrations s’articulent toujours entre deux projets de cinéma car je ne veux pas privilégier un domaine par rapport à un autre.

« Le travail de designer graphique consiste de façon générale à élaborer l’identité visuelle du film. »

Quels sont les films qui t’ont mis sur la voie du travail des décors ?

Ça a commencé par La famille Addams de Barry Sonnenfeld… Une fois habituée à la famille et ses valeurs, je trouvais le monde « normal » anticonformiste, et le décalage des scènes de Mercredi et Pugsley au camp Chippewa m’est resté en mémoire. Je pense que c’est d’ailleurs de là que vient la grosse phase gothique de ma période collège. Ensuite il y a eu The Truman Show de Peter Weir, Edward aux mains d’argent de Tim Burton, La Vie Aquatique de Wes Anderson, Twin Peaks de David Lynch… Ce ne sont pas forcément des références originales mais c’est la preuve du succès de leurs décors : leurs univers visuels sont tellement forts qu’ils deviennent des personnages à part entière de l’histoire.

Et graphic designer dans le monde du cinéma, ça consiste en quoi concrètement ?

Le travail de designer graphique consiste de façon générale à élaborer l’identité visuelle du film. Les missions varient souvent suivant les films : ça peut aller de créer les objets graphiques évoqués dans le scenario, jusqu’à designer le titre du projet et/ou le générique. De designer des devantures de magasins, des affiches, des journaux, des packagings, des photos d’époque, jusqu’à créer des billets de train, d’avion, des boites d’allumettes, des étiquettes. Tout ce qui nécessite une création artistique et qui doit être imprimé, gravé, sculpté, peint… Et comme les demandes varient en fonction des films, il y a toujours un moment où j’ai la surprise de designer quelque chose que je n’ai jamais eu l’occasion de traiter avant. Cette diversité dans les projets est probablement ce qui m’attire le plus ; j’adore l’idée de passer d’un film d’époque genre début des années 1900 à un projet futuriste.

« C’était vraiment émouvant de tenir entre mes mains ces objets témoins de la guerre. »

Parle-nous d’une expérience marquante sur un film.

Je vais te parler du premier film pour lequel j’ai été designer graphique. Il s’agissait d’Au revoir là-haut d’Albert Dupontel, dont l’histoire prend place à la fin de la première guerre mondiale. L’expérience a été déterminante dans mon envie de poursuivre dans le métier. D’abord par sa dimension émotionnelle. Grâce au Musée de la Grande Guerre de Meaux, nous avons pu avoir accès à diverses affaires ayant appartenu à des soldats au front : carnets de guerre, lettres, cartes de combattant, plaques d’identification… C’était vraiment émouvant de tenir entre mes mains ces objets témoins de la guerre. C’est aussi la première fois que je me suis rendue compte de l’importance des textures pour donner de la crédibilité aux graphismes. Ça peut paraître étrange « d’abîmer » des cartes de combattant qui viennent d’être imprimées pour leur donner l’air d’être sorties de la poche des personnages ; tout comme de jaunir légèrement les journaux créés parce que même s’ils étaient neufs à l’époque, l’imagerie collective les trouvera plus crédibles avec ce filtre qu’on applique mentalement dès qu’on pense au passé ; ou bien d’avoir parfois recours à des machines à écrire plutôt que d’utiliser des typos qui y ressemblent, pour obtenir l’aspect « maladroit » dû à la pression des touches. C’est cette finesse dans le traitement des impressions qui me plait le plus. J’adore ce côté artisanal dans le graphisme de cinéma, surtout pour les films d’époque.

« Mes ILLUS En quelques mots ça donne : fiction, infini, artifice, fantastique. »

Tes illustrations, tu les décris COMMENT ?

À la fin de mes études en école de cinéma, j’ai fait un projet final qui explorait différents moyens de suggérer la notion d’infini dans le décor. Et je crois que je suis toujours obsédée par le sujet. Mes illustrations tournent autour de ça. Les espaces s’étendent, les personnages se ressemblent et il y a dans les détails une forme de récurrence qui se répercute d’une série à l’autre et qui amène une notion d’artifice, voire de fantastique dans les sujets abordés. En quelques mots ça donne : fiction, infini, artifice, fantastique.

Les OVNIS, la voyance, les esprits peuplent ton univers, tu y crois à tout ça ?

J’y crois, ou en tout cas j’aime le fait d’y croire. Je suis fascinée par ces sujets qui ont traversé les âges en gardant tout leur mystère. D’abord pour les atmosphères qu’ils véhiculent mais aussi et surtout par le fait qu’ils remettent en question notre quotidien et notre place en tant qu’humains. Ces sujets sont très mentaux, il n’y a pas vraiment d’images concrètes auxquelles se raccrocher, du coup ça me donne envie d’y apposer mes propres images. De façon générale, je suis toujours à la recherche de choses qui sortent de l’ordinaire ; je ne suis pas très portée sur le fait de dessiner des sujets réalistes.

Falaises roses, soleil, femmes brunes qui font un pique-nique deux femmes rousses dans un univers surréaliste     groupe de femmes roses avec pull bleu dans une chambre quatre femmes rousses dans une chambre au papier peint fleuri un groupe de femmes roses qui font un appel aux espritsrayon de lumière, femmes brunes, fleurs rouges, ciel bleu rayon de lumière, trois femmes brunes, fleurs rouges les ovnis débarquent, rayon de lumière, trois femmes brunes, champ de fleurs rouges sur ciel bleu

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