Léa Taillefert[FRA]

  • Illustration

Chronique

Le 17.06.2019 par JULIETTE MANTELET

Avant de se lancer dans l’illustration, Léa Taillefert poursuivait une carrière de graphiste. Elle a vite fait son trou dans ce nouveau milieu, et vous avez d’ailleurs peut-être déjà croisé ses dessins dans des revues prestigieuses comme Causette, XXI ou encore l’Éléphant. À côté de ses gros projets, Léa développe un travail plus personnel, aux couleurs flamboyantes, parcouru par un souffle de vie puissant et peuplé de femmes aux cheveux au carré. Oscillant entre Fauvisme et Expressionnisme, les illustrations de Léa se nourrissent des mouvements artistiques emblématiques du XXème siècle et les font revivre avec ferveur. Petit cours d’histoire de l’art.

SUR LES TRACES DES FAUVES

« C’est de l’argent tantôt verdi, tantôt plus bleu, bronzé, blanchissant sur terrain jaune, rose, violacé ou orangeâtre jusqu’à l’ocre rouge » … Cette phrase de van Gogh à son frère Théo, description superbe d’un simple champ de blé, Léa, véritable artiste, semble l’avoir totalement intégrée. Comment pourrions-nous décrire les cheveux de ses femmes ? C’est du jaune d’or, tantôt plus blanc, tantôt plus rosé. Ou encore c’est du rose violacé, tantôt orangé, tantôt rouge flamboyant. Car Léa utilise ce qu’elle appelle « des facettes de couleurs ». Elle ne dessine pas de contour, ne fait pas de dégradés. Elle juxtapose entre elles des couleurs très différentes, qu’elle met côte à côte et multiplie jusqu’à l’explosion. Jamais de noir, au contraire, « il faut que ça pep’s ! », s’exclame la jeune femme. C’est l’essence même du mouvement Fauviste que reprend naturellement Léa. Les Fauvistes, en effet, composaient leurs toiles de petites touches de couleurs pures. C’était ensuite au spectateur de recréer l’ensemble. Comme chez Léa où le sol est rouge, vert et beige, où les cheveux sont roses, violets, oranges et rouges. L’illustratrice ne dessine presque jamais les éléments principaux d’un seul aplat de couleur. L’étape préférée de Léa est d’ailleurs ce choix de la palette. Le mouvement Fauviste se définissait lui aussi par un engouement profond pour les couleurs. Des couleurs flamboyantes, tirant vers le rouge ou l’orange, les couleurs du couchant, des couchers de soleil de Collioure. Les mêmes teintes fauves que chez Léa. En regardant ses images c’est ce rouge orangé dominant et explosif qui reste en tête.

La couleur chez Léa, comme chez Matisse ou Derain avant elle, prime sur la réalité, et le choix des couleurs est arbitraire. La jeune illustratrice utilise avant tout les teintes qu’elle aime, sans se soucier du réalisme. Elle veut « surprendre » dans ses harmonies. Cela donne ce splendide ciel rouge digne des Arbres Rouges de Vlaminck ou de La Plage Rouge de Matisse. Léa, digne héritière des Fauvistes, revendique se préoccuper moins du sujet que de l’émotion. L’émotion foudroyante qui passe par la couleur.

LE VENT SE LèVE, IL FAUT TENTER DE VIVRE

Léa est pleine de vie, comme les motifs qu’elle représente. Elle plonge dans le vivant, dans l’action, le mouvement. Elle rejette catégoriquement les sujets posés et statiques. En refusant de dessiner avec une couleur unique, elle traverse ses dessins d’un mouvement ondulatoire, indomptable. Les cheveux courts de ses femmes sont faits de vaguelettes de couleurs, comme pris dans le vent, le sol est composé de nuages colorés. À leur tour, ces courbes font venir à l’esprit un autre tableau célèbre, Le Cri, d’Edvard Munch, et particulièrement son coucher de soleil en toile de fond, entièrement composé de vagues flamboyantes et de teintes qui se mêlent en ondulant. Edvard Munch n’est autre que LE représentant du mouvement Expressionniste, l’équivalent allemand du Fauvisme. Pour les expressionnistes, il faut exprimer le monde et se servir des couleurs non pas pour le montrer, mais pour le faire ressentir. Les illustrations de Léa semblent frémir, frissonner, frétiller… Les fleurs, les cheveux, le linge, tout s’envole, tout vit. « Le vent se lève, il faut tenter de vivre », semblent-ils tous murmurer.

Envie de créer un projet avec cet artiste ?
Contactez-nous