Laurence Jones[GBR]

  • Art & Peinture

Chronique

Le 29.11.2019 par JULIETTE MANTELET

Photo ou peinture ? Comme nous la première fois que nous avons croisé le travail de Laurence Jones à la London Art Fair, vous vous posez la question, intrigués par l’hyperréalisme de ses scènes de nuit et villas de rêve. Pari réussi pour le peintre qui cultive exprès cette ambiguïté visuelle : vous êtes déjà captivés. Impossible pour vous de lâcher son travail des yeux tant que vous ne serez pas fixés. Laurence a une passion affirmée pour l’architecture ultra moderne et nous plonge dans ce monde de grand luxe, où les piscines côtoient les palmiers.

LA Vérité DERRIère les SPOTLIGHTS

Bien que basé à Londres, Laurence Jones a fait de la nuit californienne et de ces villas dignes de l’architecte Frank Lloyd Wright son sujet de prédilection. L’art s’est toujours intéressé à la Californie, cette région rêvée, érigée en mythe. Le mythe de la richesse perpétuelle dans une région aux paysages incroyables, animée par l’industrie du cinéma et de la high tech. La Californie, portée par L.A, renvoie à un monde de strass et de stars, d’apparence et de luxe dans lequel on joue un rôle, Ou on fait semblant, comme au cinéma.

Mais une telle vie est-elle vraiment à envier ? Et la Californie n’est-elle vraiment que paillettes ? Astucieusement, Laurence par son procédé technique entre apparence et réalité, peinture et photo introduit ce questionnement. Ses œuvres à grande échelle invitent à l’immersion et à la réflexion. Par un fini lisse et brillant obtenu avec un vernis, Laurence rapproche ses œuvres d’un écran d’ordinateur sur lequel on se penche, et floute encore un peu les frontières. Un clin d’œil, aussi, à cette région du high tech où sont nés Google, Facebook, Apple… Le peintre interroge les rapports entre les images réelles et celles emmagasinées en nous, idéalisées, déformées par les médias et l’imagerie populaire. Une sorte de combo du bonheur californien, du moins en surface : palmiers, piscine, architecture ultra moderne et coucher de soleil.  C’est alors à nous de faire notre propre avis, de questionner ce mythe californien et de casser cette surface.

On creuse au-delà de l’apparence esthétique et du premier regard. On croit d’abord à une photo, c’est en fait une toile. On croit à un rêve, la Californie peut tourner au cauchemar. Et comme dans les images de Tom Blachford, vidées elles aussi d’âme humaine, on adopte la position de l’outsider. Celui qui n’aura jamais accès à ces villas, qui reste à l’extérieur. Et surtout que l’on maintient en dehors de cette tour d’ivoire. Car le rêve Californien, synonyme d’argent, n’est pas accessible à tous. Il y a toujours des laissés pour compte : plus de 50 000 personnes sont obligées de dormir dehors ou dans leur voiture chaque nuit à Los Angeles, « capitale des sans-abri » où le prix des loyers s’envole. Les si beaux paysages de la Californie sont rasés pour construire ces villas, ils manquent d’eau et sont ravagés chaque année par de sévères incendies. Ce sont les paradoxes américains. C’est l’autre réalité, le penchant sombre du mythe. Un noir sans espoir comme le fond des toiles de Laurence.

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