Cléa Vincent[FRA]

  • Musique

Interview

Le 12.04.2019 par JULIETTE MANTELET

Cléa Vincent ne rêve que de romantisme et de pailettes

Après avoir interviewé Cléa Vincent en avril 2019, on a recontacté la chanteuse à paillettes pour parler de son confinement. C’est l’objet de notre podcast, La Confinerie. Septième épisode avec Cléa Vincent donc, que nous croisons régulièrement à Paris et en festivals depuis ses débuts et les nôtres. Depuis quelques années déjà, nous chantions à ses concerts et elle, dansait sur nos DJ sets. Toujours affublée de sa veste étincelante de la jeune griffe parisienne Orphée, créée spécialement pour elle, pour la scène, et surtout d’une douceur sans fin, Cléa nous avait raconté comment mettre des pailletes dans sa vie et celle des autres. Elle n’a pas changé.

Une photo de couverture de Michelle Blades. Une interview micro de Marie Durantet.

 


Article du 19 avril 2019 par Juliette Mantelet

Cléa Vincent est une chanteuse, auteure et compositrice emblématique de la « French Pop ». Elle s’est lancée il y a quelques années aux côtés de groupes comme L’Impératrice ou The Pirouettes dans l’aventure de la chanson en français, un peu naïve et pleine d’amour, et côtoie désormais avec sa musique pop entêtante qu’elle décrit comme un mélange entre Daft Punk et France Gall, des artistes comme Voyou ou encore Clara Luciani. Elle évolue assez discrètement dans le même milieu émergent que Tafmag, passant ses étés entre Pete the Monkey et le Diamant Vert, poursuivant optimisme, paillettes et fraîcheur. Cléa est un peu notre alter ego musical et pourtant, nous ne l’avions encore jamais rencontrée. Un jeudi à Paris, quelques jours après la sortie de son deuxième album, « Nuits sans sommeil », célébrant la nuit et les synthés, l’erreur fut réparée en beauté.

®️ Juliette Mantelet

On sait que tu évolues dans le milieu de la musique depuis un moment, on t’a déjà rencontré à Pete the Monkey en 2011, comment se fait-il qu’on ne t’interviewe qu’aujourd’hui ?

Pourtant moi j’ai dansé sur vos DJ sets, on aurait pu faire une interview en dansant. Non je ne sais pas, peut-être que vous n’aviez pas aimé mon premier album. (Rires)

Tafmag fut lancé en 2013, en même temps que toute cette mouvance d’artistes et de collectifs comme toi, Isaac Delusion, l’Impératrice, Pete the Monkey, tu ajouterais qui à cette liste ?

En French Pop comme ça, il y avait les Pirouettes déjà, Juliette Armanet qui commençait aussi ses pianos voix. Voyou il n’était pas encore là… La Femme ! Comme petits festivals, il y avait le Diamant Vert, complètement perdu dans les Cévennes, dans cet esprit « into the wild », en mode DIY et hyper cool. Dans le même style, il y avait le Biches Festival. On peut aussi parler des labels… À l’époque et toujours il y avait microqlima, Midnight Special Records, mon label, Entreprise, La Souterraine…

Et pour toi, cette effervescence émergente continue ?

Oui, j’ai quand même l’impression. Je crois que cela a toujours existé. Ce sont des petits microcosmes, des petits écosystèmes musicaux qui grossissent qui grossissent, et qui à la fin sont rachetés par des gros. Comme Troisième bureau, un label qui est chez Warner aujourd’hui, alors qu’au départ c’était un label comme microqlima. Je crois que c’est simplement un phénomène économique de pyramides, où tu commences petit et souvent, tu es absorbé par la base. C’est essentiel pour faire avancer la musique ce genre de structures.

Chez Tafmag on interviewe des artistes émergents, si tu étais à notre place tu interviewerais qui ?

J’interviewerais La Femme, même si je pense qu’ils ne sont pas faciles à interviewer. J’adore regarder leurs interviews, ils sont toujours vautrés dans une espèce de nonchalance terrible. Mais je les adore, donc j’aimerais le faire en tant que fan. J’aimerais interviewer Kim, mon grand pote depuis 10 ans, qui a toujours des choses à raconter et des blagues à faire. Avec Kim, c’est toujours la rigolade. Johan Papaconstantino, car comme il vient du milieu des arts plastiques, je trouve ça intéressant de comprendre comment il est venu à la musique.

Et toi justement, c’est quoi ton parcours ? 

Je n’ai pas fait des arts plastiques, mais j’ai fait de l’économie. C’est pour ça que je parle de pyramides, j’ai peut-être encore des restes. Un truc très concret et qui m’a fait du bien car je suis quelqu’un de rêveur. Je pense que j’ai bien fait de faire des études qui ont structuré ma pensée, parce que sinon je n’aurai réussi à mener ma barque. Il faut être assez solide pour avoir un projet musical et cette base d’économie m’a donné une assise de femme chef d’entreprise.

Tu parles à propos de ta musique d’une rencontre entre France Gall et Daft Punk, comment ça se justifie ?

Ce sont deux projets musicaux que j’ai découvert à peu près en même temps, parce que France Gall j’ai découvert assez tard. À l’époque de Daft Punk c’étaient mes premières soirées. À la fois je sortais danser, et à la fois j’étais très rêveuse à la maison et j’écoutais beaucoup la radio. Et j’écoutais Chérie Fm et il passait tout le temps des titres assez fleurs bleues, Michel Berger, France Gall et j’adorais ça.

Il y a une nouvelle effervescence de la pop musicale assez naïve et candide. C’est quoi ton ressenti là-dessus ?

J’adore, je suis très fan de tous ces groupes qui se remettent à chanter en français et qui en plus cherchent le tube en français. J’aime bien cet exercice, c’est fun, ça ne se prend pas la tête. Je trouve ça très joyeux comme mouvement musical la French Pop. Et en même temps, hyper mélancolique. Il y a un besoin de séduire parce qu’il y a une faille à un endroit. J’aime beaucoup ce côté en apparence très léger et qui finalement cache un petit mal être. Et c’est l’équilibre qu’on trouve dans ce style qui me plaît.

Ce n’est pas un peu facile de traiter ces sujets légers quand beaucoup d’autres sujets plus sérieux manquent à l’appel ?

Personnellement, je ne me sens pas du tout de faire de la chanson engagée. Je n’ai ni la légitimité, ni l’inspiration. J’ai toujours cherché à m’échapper de la réalité, je ne regarde jamais les infos car je suis très empathique et ça n’est pas possible pour moi. Je vis volontairement un peu dans un rêve car je suis trop fragile pour faire face à la vraie vie. Effectivement, il y a des choses bien plus intéressantes et utiles que les chagrins d’amour mais je ne cherche pas du tout à être utile dans mon écriture.

Tu es contente de ton nouvel album ?

Bien sûr, je suis contente d’être allée jusqu’au bout. Je suis pétrie de doutes, pas du tout sûre de moi, mais il y a une certaine fierté. C’était très ambitieux comme disque et il nous a pris du temps donc déjà quand on a pu y mettre un point, c’était une première réussite.

Justement, cet album c’est celui de la nuit, de l’amour ?

Tout l’album est vraiment sur le thème de la nuit, mais ça ne parle pas que de relations amoureuses. Il y a « Sexe d’un garçon » qui aborde la place de la femme, « I.R.L », qui parle du monde virtuel et du monde réel. Il y a différents sujets mais avec toujours un peu l’amour en fond d’écran, parce que c’est ce que je préfère dans la vie.

Quelles sont les principales différences avec ton premier album ?

Là vraiment on est sur des sonorités beaucoup plus électroniques, et donc nécessairement cela rappelle forcément la nuit et les boîtes de nuit. Le premier était plus pop traditionnelle : basse, batterie, guitare, clavier. Pour celui-ci, on est allés chercher très loin des sons de synthés hyper dreamy. Le son évoque la nuit et le dance floor et puis les thèmes aussi. Les images qui me viennent avec toutes ces chansons ce sont des néons, des couchers de soleil. Ça m’est apparu comme images en les composant.

Ton ressenti en tant que femme dans le monde de la musique ?

Je suis dans la négation de mon genre, pour moi je ne suis ni une femme, ni un homme. Je n‘ai pas envie qu’il y ait une différence. Et pourtant, il y en a une. Alors j’essaye de ne pas trop y penser, car je n’ai pas envie de me positionner en victime. Je vais juste faire comme si ça n’existait pas. Et s’il y a des moments où j’ai un doute, où je me dis « Si j’étais un mec, peut-être que ça ne se passerait pas comme », j’essaie d’éviter d’y penser, parce que si tu montes en parano après tu deviens en colère et ça n’est pas le but du jeu. Il faut continuer à faire comme si de rien n’était et à force de se battre, il va se passer un truc où on ne va même plus se rendre compte qu’on est des femmes en fait. Ça serait cool !

On te considère un peu comme notre alter-égo musical chez Tafmag, tu sais pourquoi ?

Parce que je suis une taffeuse ! (Rires). Non, je ne sais pas.

Pour l’univers très solaire, pailleté, pop et léger qui met la femme en avant et transmet un message positif…

Oui, votre rôle c’est le même que le mien, changer les idées aux gens à travers des choses légères et colorées. Chacun son rôle dans la vie. Il y a les grands reporters qui vont sur les lieux de guerre, et heureusement qu’ils sont là pour qu’on se rende compte un peu de l’état des lieux. Mais chacun sa spécialité, et nous avons en commun de vouloir mettre des petites paillettes et du romantisme dans la tête des gens.

Envie de créer un projet avec cet artiste ?
Contactez-nous