Félix de Givry[FRA]

Pas encore remis de son Swann d’Or du meilleur court-métrage pour Journée Blanche, reçu la veille au Festival de Cinéma de Cabourg, TAFMAG s’est entretenu avec Félix de Givry. Comme un hommage à Eric Rohmer et son Conte d'été, on a souhaité parler à ce multitâche et pluridisciplinaire, ce jeune français hyperactif et hyper créatif qui n’affiche pourtant que 5 années de carrière à son compteur. Avec une trajectoire qui épouse la loi de Moore et le propulse à vitesse grand V sur le devant de la scène.

Interview

Le 29.06.2017 par Nicolas Nithart

 

Extrait de Journée Blanche © Felix de Givry

TAFMAG : Journée Blanche a obtenu le Prix du Meilleur Court Métrage au Festival de Cabourg et le Prix d’Interprétation Masculine au Festival Côté Court. Et ce alors qu’il vient tout juste de sortir…

Félix de Givry : J’ai écrit et réalisé le film qui a été tourné l’été 2016. La première projection a eu lieu à Pantin à Côté Court et la seconde à Cabourg. Il démarre effectivement très bien avec 2 prix annoncés le même jour !

Tu as plusieurs casquettes puisque tu es à la fois acteur, réalisateur, producteur, co-fondateur de la ligne de vêtement Habit Cactus (séléctionnée dans l’art book TAFMAG, Banana Split, rubrique mode) et du collectif de musique Pain Surprises. Comment arrives-tu à t’organiser entre tous ces projets ?

C’est comme si tout se répondait. Ça a commencé avec l’organisation de soirées, puis en faisant de la musique. On a ensuite lancé la marque de vêtements, la boîte de production et en parallèle j’ai joué dans un premier film qui m’a amené vers le cinéma [Eden de Mia Hansen-Løve, ndlr]. Je consacre donc mon temps en fonction de ces aventures qui arrivent, en restant à chaque fois tout aussi investi.

Pour être autant à fond dans tous ces projets, il faut avoir une sensibilité à 360 degrés, non ?

J’ai été un solitaire, je n’avais pas beaucoup d’amis au collège. L’énergie dans tout ce travail collectif est certainement une réaction à cette période. Avec mon coloc, on était tout le temps, tout le temps ensemble. J’ai ensuite trouvé une sorte d’équilibre, notamment avec le cinéma et l’écriture, entre solitude et collectif. Seul, je suis plutôt la tête dans les étoiles, métaphysique. Alors qu’à plusieurs, je suis beaucoup plus concret, plus direct. Au-delà de ça, les projets naissent avec les gens, au fil des rencontres.

Extrait de Journée Blanche © Felix de Givry

Te considères-tu comme un Opportuniste ?

Quand je rencontre des personnes qui me touchent, ça me donne toujours l’envie de les pousser à s’accomplir, et cela m’aide d’une certaine manière à m’accomplir moi aussi. Journée Blanche est par exemple lié à son acteur principal, Tara-Jay Bangalter… mais tout reste progressif.

On avait monté la boîte de prod pour monter nos clips. Il y avait cet ami qui avait monté un court métrage que j’ai produit. Tara-Jay a joué dedans. Je l’ai revu ensuite à la campagne, d’emblée j’ai vu qu’il me touchait. Ce que je veux dire est que les choses ne se font pas forcément directement et qu’il faut souvent du temps et des étapes. Il faut savoir l’accepter.

Tara-Jay a donc été le point de départ de ce court-métrage

Complètement. J’avais le lieu et lui en tête. Journée Blanche a été écrit pour lui ainsi que le long métrage sur lequel je travaille actuellement. Pour Lily Taïeb, qui joue avec lui, j’avais une idée abstraite. Je l’ai vue dansTrois souvenirs de ma jeunesse » de Desplechin et en la rencontrant ensuite, elle s’est imposée comme une évidence, sans avoir même à faire de lecture. Elle a de jolis yeux et j’ai eu envie de la filmer dans sa grâce. De cela est même née une histoire d’amour entre Tara-Jay et Lily et c’est super…

Extrait de Journée Blanche © Félix de Givry

Avec un long en prépa, c’est une suite logique et en même temps une nouvelle expérience…

J’ai terminé de l’écrire (j’en ai écrit 2 en fait !). On y retrouve Tara-Jay et Lily. Cela reprend un peu le même dispositif du court où toutes les choses dramatiques, de famille restent hors champ. Eux vivent la vie « légèrement », comme des ados. Même si des trucs graves les rattrapent… C’est un peu un moyen pour moi d’exorciser la gravité des choses. On devrait tourner l’été ou l’automne 2017… ou l’été 2018, cela se fera en fonction de leurs cours. C’est la vie.

Tu es ce qu’on appelle un hyper actif !

J’ai un peu déprimé cette année car j’ai l’impression de n’avoir rien fait ! Avant, on se réveillait le matin avec 38 rendez-vous, en faisant tout Paris à scooter. Quand tu te mets dans un truc d’écriture, tu as l’impression de glander… mais là j’ai l’impression de revenir sur une période un peu plus active parce que cela commence à exister, ce n’est plus abstrait.

En tout cas, ça reste très compliqué de faire plusieurs choses en même temps même s’il est facile de les lancer. C’est ce qui se passe par exemple avec les artistes de Pain Surprises. Jacques, pour ne pas le nommer, qui fait partie de Pain Surprises depuis le début s’est complètement accompli dans la musique. Tony, de Tony et les animots, s’est accompli dans la télé… tout le monde trouve sa voie, dans un esprit collectif et multi marques.

TAFMAG : Comment te projettes-tu par rapport à toutes activités, te fixe-tu des objectifs, où penses-tu être dans 5 ans par exemple ?

Il y a 5 ans justement, je rentrais de Californie, je n’imaginais pas être où j’en suis aujourd’hui. Je rencontrais Mia Hansen-LØve pour le film Eden. J’ai fait le casting à l’atterrissage et tout le reste s’est emballé en même temps. J’ai signé le groupe Jabberwocky et cela nous a permis d’avoir de l’argent car ça a marché d’emblée. Je ne voyais pas tout ça venir et ce n’est pas en tout cas une histoire de timelines, avec contrôle des objectifs. Il s’agit plus de transformer des trucs que l’on sent comme évidents, tout en prenant des risques qui est une chose moins évidente. On verra donc dans 5 ans.

As-tu aussi la démarche de mêler, de faire interagir tes projets ?

Carrément ! Comme Jacques qui était venu jouer sur un défilé pour Habit Cactus ou qui a fait la musique du film que j’ai produit, avec Flavien Berger. J’ai envie de faire une comédie musicale avec Superpoze et d’autres, une sorte de Starmania avec toute cette scène-là. Le plus compliqué restant que tout le monde devient busy, avec des managers et il faut tout faire rentrer dans des cadres. On perd en spontanéité. En même temps comme ils sont connus, on peut mieux travailler en collectif, il y a moins de problème d’ego.

Un truc auquel tu n’as pas encore touché et que tu rêverais de monter ?

J’aime bien la musique classique et j’adorerais mettre en scène un opéra… Ce qui s’est passé au moment du baroque, avec le contrepoint et l’harmonie, je trouve que c’est hyper actuel. C’est-à-dire le rapport entre l’individu et le collectif, et comment on trouve avec une forme de contrepoint une harmonie collective. C’est un truc de tout temps, presque de la musique céleste. On retrouve cela aussi dans le cinéma avec le visible et l’invisible, l’ellipse spatiale avec le hors champ qui compte beaucoup. L’image qu’on montre et ce qu’on ne montre pas à côté. Un côté fantôme quand on juxtapose le tout. Une particularité de la musique baroque que j’aimerais creuser.

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