Alice Bottigliero[FRA]

  • Illustration

Interview

Le 07.04.2023 par Julie Le Minor

En terrasse avec Alice Bottigliero.

On a discuté graphisme, gastronomie et carrière professionnelle avec la créative multi-casquette et fondatrice du studio « Forme brute » sur la terrasse de l’emblématique café Prune dans le 10e arrondissement de Paris.

Photographie d'Alice Bottigliero durant son interview avec Tafmag au café Chez Prune

Si c’est dans un café parisien que l’on rencontre Alice par une froide matinée de printemps, c’est à Marseille que nous voyagerons pour débuter cet article. La jeune française, d’origine italo-allemande, y passe toutes ses vacances depuis qu’elle est petite. La famille de son père, issue de l’immigration napolitaine, s’y est installée depuis plusieurs générations. Et pas un été ne passe sans qu’Alice n’aille pêcher avec son grand-père sur le port de Malmousque, son spot préféré. Dans ce village unique de la cité phocéenne, comme figé dans le temps, Alice aime rejoindre cette figure locale, président du Club Nautique, lors de longs apéros et de dîners interminables les pieds dans l’eau de la Mer Méditerranée. « On se retrouve tous devant les cabanons et chacun rapporte du rosé, des chips et un plat cuisiné puis l’apéro peut commencer ». Ça boit, ça fume des clopes en pagaille et ça refait le monde pendant des heures « sur des chaises en plastique qui collent aux fesses », reprend Alice, en souriant. « Ce sont mes moments préférés ».

À Bordeaux, j’ai trouvé une ville à taille humaine qui me correspond davantage

Parenthèse estivale terminée. Retour à Paris donc, sur la terrasse du bistrot Chez Prune, son ancien QG, à deux pas de l’appartement de sa meilleure amie, rue des Vinaigriers. Passé par les bancs de la prestigieuse École Nationale des Arts Appliqués Olivier de Serres, cette bourguignonne a profité de ses années d’études pour expérimenter la vie parisienne mais c’est à Bordeaux qu’elle décide finalement de s’installer. « J’aime beaucoup Paris et cette vie me convenait parfaitement, pour toute l’offre culturelle qu’elle propose et pour l’effervescence qui y règne. C’est une ville qui ne dort jamais. Mais je suis aussi très sensible, une sorte d’éponge émotionnelle et je finissais mes journées comme drainée. À Bordeaux, j’ai trouvé une ville à taille humaine qui me correspond davantage ». Ce jour-là, Alice est de passage dans la capitale pour animer un atelier consacré à l’art du collage avec le Paon, une association qui souhaite rendre accessible la création à tous. Mais très vite, elle retrouvera ses potes, son mec et les vagues de la côte Ouest sur lesquelles elle s’essaye doucement au surf.

L'illustratrice Alice Bottigliero nous montrant ses oeuvres en terrasse de chez Prune

C’est là-bas qu’Alice a créé « Forme Brute » son studio créatif à la croisée de ses deux passions : le graphisme et l’illustration. « Après mes études, j’étais un peu une tête brûlée et je me suis lancé le défi de mettre à mon compte afin de bénéficier d’une certaine liberté créative. J’ai eu la chance que mes parents me soutiennent et j’ai décidé de me lancer à fond dans cette entreprise. Tous les deux sont issus du milieu de la restauration et de la gastronomie et ils connaissent le stress que représente le lancement d’une activité. J’ai donc fait le choix de me fier à mon instinct. J’ai déménagé à Bordeaux, une ville où je ne connaissais personne, j’y suis allé au culot pour me faire un réseau et démarcher des clients. Je suis même passée à la radio. Je n’avais rien à perdre, je n’ai pas eu peur de me prendre des vents ». Et finalement, ça paye.

Je pense que c’est important d’être conscient de ses forces, mais aussi de savoir déléguer quand il le faut.

Au fil des mois, Alice tisse son propre réseau sur la scène créative bordelaise grâce à des rencontres fortuites, comme en soirée, mais aussi sur Instagram, ou lors de collaborations professionnelles fructueuses. Aujourd’hui, Alice dirige sa propre agence, passant habilement du graphisme à la compta, de l’illustration à la direction artistique. « Je travaille seule au quotidien mais je suis entourée d’un pôle de talents à qui je fais appel en fonction de mes commandes et projets. C’est vraiment important pour moi de savoir que je peux me fier à eux dans des domaines que je ne maîtrise pas forcément. Je pense que c’est important d’être conscient de ses forces, mais aussi de savoir déléguer quand il le faut. Chacun a son propre domaine de compétence, sa spécialité, mais aussi son style et sa singularité qui font la force d’un projet quand on présente à un client ».

Portrait d'alice bottigliero avec une de ses oeuvres à la Slow Galerie

Alice a la spontanéité et le franc-parler des filles du sud, comme ses racines italiennes, et la pudeur germanique de sa mère, berlinoise. « Dans ma famille installée à Marseille, ils ont le sang chaud. Moi, quand on me pousse dans la rue, c’est moi qui m’excuse. Je passe ma vie à m’excuser de tout ». Très vite, elle nous confie d’ailleurs qu’elle vient de se faire une frange et qu’elle s’adapte encore à cette métamorphose capillaire qui la fait encore un peu sursauter quand elle se regarde dans un rétroviseur. Évidemment, la coupe lui va parfaitement. Humble et douce, elle est aussi généreuse dans la création. « Beaucoup de créatifs ont ce syndrome de l’imposteur, mais je dirais que ma plus grande force, c’est la sensibilité. Dans mon quotidien, c’est un peu les montagnes russes mais face à un client, c’est ce qui fait que je suis hyper à l’écoute. Parfois, c’est comme le projet d’une vie. Je pense que je mets un peu de moi dans chaque créa ».

J’aime l’aspect intemporel du papier, de l’objet, du tangible

Après avoir dû faire ses preuves, Alice semble confiante et sereine face à l’avenir, naviguant habilement entre ses œuvres papiers, ses projets avec « Forme Brute » et les autres, plus personnels. « Le digital est aussi souvent présent dans les identités visuelles que je crée. Je fais continuellement des ponts entre les deux médiums. En digital, je suis partisane d’une philosophie du less is more avec une esthétique chiadée et clean, plutôt que de m’aventurer dans des choses que je ne connais pas ». Quand on lui demande son rapport au papier, elle répond en riant : « C’est essentiel, même si je passe paradoxalement mes journées devant un écran. La seule personne à qui je continue d’envoyer des cartes postales, c’est ma mamy ! Et je me dis toujours, quel bonheur de recevoir une carte postale quand la moitié des choses que tu reçois par courrier est généralement lié à tes impôts ou contraventions. Le contenu d’une lettre a une saveur particulière selon moi. J’aime l’aspect intemporel du papier, de l’objet, du tangible ». La réalité.

 

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